A l’horizon, rien de rassurant pour la Tunisie sur le plan politique. Car chacun des trois projets en concurrence -portés respectivement par Ennahdha, Kaïs Saïed et le Parti destourien libre- inquiète pour des raisons différentes. Et, de ce fait, ne peut emporter l’adhésion d’un nombre suffisant de Tunisiens susceptible de permettre la stabilisation de la vie politique autour d’un gouvernement majoritaire.

Où va la Tunisie ? Cette question à laquelle les Tunisiens sont habitués depuis des années ne n’est jamais posée avec autant d’acuité qu’aujourd’hui. Car l’avenir du pays n’a jamais été aussi incertain et, même, aussi inquiétant qu’il l’est depuis quelques mois.

Au cours des huit années écoulées, les Tunisiens, ou une partie d’entre eux, ont pu nourrir un soupçon d’espoir motivé et porté par un semblant de projet. En octobre 2011, 1,5 million de Tunisiens ont misé sur Ennahdha -complétée et renforcée par les 600 000 voix remportées par ses deux alliés et autres membres de la Troïka (le Congrès Pour la République, et le Forum Démocratique pour le Travail et les Libertés).

Trois ans plus tard, une partie de ces Tunisiens -ceux qui ont voté pour le parti Ennahdha sans être nahdhaouis ni même islamistes- avec d’autres, soit un total de 1,2 million, ont reporté leurs espoirs sur feu Béji Caïd Essebsi, élu à la présidence de la République, et son nouveau parti, Nidaa Tounes, arrivé premier aux élections législatives (86 sièges) devant Ennahdha (69 sièges).

Malheureusement, tout comme le premier, le second pari des Tunisiens s’est avéré décevant. Ces deux déceptions ont tout naturellement -la nature politique ayant horreur à la fois du vide et des échecs- fait le lit de la spectaculaire élection de Kaïs Saïed à la présidentielle de 2019, avec 2,7 millions de voix (72,71%), loin devant son challenger Nabil Karoui (1 million de voix, 27,29%).

Sept mois après le double scrutin de novembre-décembre 2019, dont les Tunisiens attendaient une clarification et une stabilisation du jeu politique, on n’a ni l’une ni l’autre. La scène politique est plus confuse que jamais. Avec trois forces qui s’affrontent et qui sont sur des trajectoires différentes.

La première, le Parti destourien libre (PDL) d’Abir Moussi, qui est en pleine ascension. La deuxième, le président Kaïs Saïed et la nébuleuse qui l’entoure et le soutien, semble encore dominante.

Les derniers sondages donnent le PDL vainqueurs si des élections avaient lieu aujourd’hui, et le président Saïed toujours en pole position malgré une très nette baisse par rapport à son score de la présidentielles (46% contre 72,71%).

Enfin, la troisième, Ennahdha, est clairement sur le déclin. D’après le dernier sondage d’Emrhod Consulting, le parti islamiste ne remporterait que 23% des voix si des législatives étaient organisées aujourd’hui -une avancée par rapport au scrutin de 2019 (19,63%) mais qui ne suffit pas à combler l’écart avec le PDL (28%).

Et le problème pour la Tunisie est que quelle que soit celle de ces trois forces qui va finir par s’imposer, l’avenir du pays ne s’annonce guère rayonnant et rassurant sur le plan politique. Car chacun des trois «projets» inquiète pour des raisons différentes et, de ce fait, ne peut emporter l’adhésion d’un nombre suffisant de Tunisiens susceptible de permettre la stabilisation de la vie politique autour d’un gouvernement majoritaire.

M.M.