Plus de peur que de mal ? Ce qui est sûr, c’est que l’épidémie du coronavirus a mis le monde entier en branle, les répercussions économiques sur des pays comme la Chine, la France, l’Italie ou encore la Grande-Bretagne sont désastreuses.

D’ailleurs, au Royaume-Uni, le Covid-19 a précipité la faillite de la compagnie régionale Flybe à court de liquidités depuis plusieurs semaines déjà.

En Tunisie, les déclarations des responsables de la santé balancent entre pragmatisme administratif et populisme. Nous avons entendu celles du ministre de la Santé qui a affirmé, au micro de Jawhara FM en réponse aux mouvements de protestation qui ont eu lieu à l’hôpital universitaire Farhat Hached à Sousse dénonçant l’absence de moyens pour se protéger et assurer les soins médicaux aux personnes à risques, que les employés du ministère de la Santé toutes catégories confondues représentent une armée contre le Covid-19.

Oui, mais une armée a besoins d’un arsenal de défense et de munitions. Qu’en est-il en Tunisie ? Avons-nous, comme l’a fait Macron en France, réquisitionné les stocks et la production de masques de protection chez les fabricants et les distributeurs pour en doter les soignants et les personnes atteintes du coronavirus

Avons-nous évalué la capacité de réponse de la Tunisie à l’insuffisance de l’offre à l’international des équipements de protection individuelle qui peuvent se répercuter sur notre pays ?

Avons-nous dispensé de la pédagogie, en premier lieu aux personnels médicaux et paramédicaux ?

Ce n’est pas en ne mettant pas à la disposition du personnel médical des moyens de protection indispensables pour assurer leur rôle comme il se doit que nous pourrons contenir les contaminations possibles. Le confinement volontaire n’est pas la meilleure des solutions sauf si l’on fait appel à la conscience citoyenne. Et ce n’est certainement pas sous la menace de peines de prison que les personnes à risques éviteront le contact avec autrui. Tout au plus, celles qui sont atteintes éviteront de se dénoncer ou de se rendre dans les structures hospitalières.

Pas de panique, nous sommes au niveau 1 

En Tunisie, pas de cellule de crise permanente au Premier ministère mais une réunion présidée par Elyès Fakhfakh, chef du gouvernement, en présence des ministres des Affaires étrangères, de la Santé, de l’Intérieur, de la Défense nationale, des Finances et du Transport pour discuter de la gestion du très possible impact de l’épidémie sur l’économie nationale et de la nécessité de mettre en place une stratégie efficace pour y faire face.

Par contre, un Comité d’experts constitué siège régulièrement au ministère de la Santé. Il a été, si l’on peut dire, réactivé par Sonia Ben Cheikh (désormais ex-ministre de la Santé) qui perpétue ce qui est devenu aujourd’hui une tradition depuis l’apparition de la grippe aviaire il y a plus de 15 ans.

Mercredi 4 mars 2020, Abdellatif Mekki annonçait, lors d’une conférence de presse au Premier ministère, quelques mesures dont la suspension des arrivées en provenance de Gênes, la restriction de la présence aux matchs internationaux joués au mois de mars au public tunisien ou étranger ou le huit clos et aussi la limitation des échanges scolaires et universitaires.

Est-ce suffisant ?

Pas de panique, assure Dr Rafik Boujdaria, chef du service des urgences à l’hôpital Abderrahmane Mami à l’Ariana. «Il faut comprendre qu’il y a trois niveaux devant toute épidémie. Le niveau 1, celui de la Tunisie aujourd’hui -il s’agit dans ce cas de freiner l’introduction du virus dans le territoire. Et cela se fait en optimisant les mesures de surveillance et de contrôle au niveau de toutes les frontières et principalement pour ce qui est des entrées des pays où l’épidémie s’est propagée. Le niveau 2, c’est l’étape où il faut freiner l’expansion du virus et isoler les cas sporadiques (cas de la France et de l’Italie). Puis le niveau 3, celui de la Chine où le virus circule librement, et le système de santé se déploie pour traiter».

Il est important, insiste Dr Boujdaria, de respecter les instructions et le protocole mis en place par le ministère de la Santé, à savoir faire appel, en cas de doute d’atteinte par le virus, au Samu Corona qui dépêche illico presto un personnel médical au lieu où se trouve la personne concernée et la prend en charge de bout en bout.

Il est par ailleurs prévu des lits de réanimation dans des services spéciaux aménagés au sein des hôpitaux sur tout le territoire national pour les malades graves atteints de détresse respiratoire ou à un degré moindre pour les porteurs de virus qui doivent être soignés en milieu hospitalier.

Par ailleurs, l’hôpital Charles Nicolle dispose d’un laboratoire de virologie (PCR) dédié à toutes sortes d’analyses en rapport avec le Covid-19 ou autres espèces virales.

L’économie mondiale menacée ?

Il faut reconnaître que les risques du Covid-19 peuvent être d’une extrême gravité sur l’économie nationale. Des experts économiques estiment que la Tunisie, qui prévoyait un taux de croissance de 2,7% pour l’année 2020, risque fort de revoir ce taux à la baisse soit à -1% si l’épidémie continue à dévaster le monde et suscite la paralysie du secteur touristique d’ici le mois de juin. Ceci sans parler des échanges commerciaux qui en pâtiront malgré les déclarations rassurantes de M. Mekki.

Les 12 milliards de dollars annoncés par le Groupe de la Banque mondiale pour venir en aide aux pays en proie aux conséquences sanitaires et économiques de la pandémie afin qu’ils prennent des mesures efficaces pour y faire face et atténuer les conséquences du COVID-19 pourraient être insuffisants à satisfaire aux besoins de tous au vu de la rapide propagation du virus dans les pays les plus développés.

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Il faut espérer que la Tunisie ait mis en place une planification d’urgence pour la gestion de la crise et la détection des risques susceptibles d’aggraver la situation actuelle.

Nous pouvons, à ce propos, citer la pénurie des équipements de protections comme les bavettes ou les gants médicaux. Des médecins de libre pratique n’arrivent plus à en trouver chez leurs fournisseurs habituels alors que leurs prix ont flambé. Que dire alors des hôpitaux publics qui souffrent d’un manque alarmant de moyens et où il est impératif d’équiper tous les personnels de masques adaptés, de gants et de sur-blouses ?

Il y a aussi tout un travail à faire pour lutter contre les fausses informations sur les risques mortels de la maladie, la propagation de nouvelles alarmantes qui suscitent la panique et dont les conséquences sont des réactions en série telles se jeter sur les produits de première nécessité et les denrées alimentaires dans les supermarchés vidant les rayons dans nombre de grandes surfaces.

Pr Chokri Ben Hammouda, directeur général des soins de santé de base, semble rassurant. Car, d’après lui, les hôpitaux publics disposent de quantités suffisantes de médicaments pour traiter les symptômes les plus courants qui apparaissent chez 90% des cas infectés. Ils disposent aussi du médicament spécifique au traitement des malades dans les services de réanimation et qui ne peut être délivré que sous ordonnance médicale.

Il faut espérer que les mesures préventives prises pour identifier tout porteur de virus venant de l’étranger puissent être efficaces et suivies d’une prise en charge rapide afin d’éviter une prolifération que notre système de santé ne peut juguler.

Il est tout aussi important de minimiser les répercussions de l’épidémie sur notre économie alors que la saison touristique vient à peine de démarrer.

Précisons à ce propos que l’OCDE a fait passer sa prévision de croissance mondiale de 2,9 à 2,4% pour 2020. Elle a appelé “les États à agir rapidement pour endiguer la propagation du virus. Le commerce mondial pourrait baisser de 1,4% au premier semestre et de 0,9% sur l’ensemble de l’année. Si l’épidémie est endiguée en Chine à la fin du premier trimestre, la croissance globale sera limitée de 0,5 point de pourcentage cette année par rapport aux dernières prévisions datées de novembre 2019.

Croisons les doigts !

Amel Belhadj Ali