Rached Ghannouchi, le président de l’Assemblée des représentants du peuple, ne semble pas convaincu de la leçon que lui a donnée, lundi 17 février 2020, le président de la République sur les articles 89 et 97 de la Constitution tunisienne de 2014.

La preuve? le lendemain, c’est-à-dire mardi, Ghannouchi a peut-être voulu avoir le coeur net auprès des président et vice-président de l’Instance provisoire de contrôle de la constitutionnalité des projets de loi, Taieb Rached et Abdessalem Krissiâa.

En effet, et selon un communiqué de l’ARP, l’entretien qu’il eu avec eux a porté sur “les controverses relatives à certaines questions constitutionnelles”. Mais à la sortie de la rencontre, Taieb Rached s’est refusé à toute déclaration.

D’abord, une explication des textes s’impose

Le processus de formation du gouvernement a engendré des crispations et créé, par ricochet, un débat constitutionnel, notamment après la décision du parti islamiste (Ennahdha) de claquer la porte, sine die, des négociations avec Elyès Fakhfakh.

A dessein, bien évidemment. Car, des dirigeants d’Ennahdha ont évoqué le recours aux dispositions de l’article 97 de la Constitution et le retrait de confiance au gouvernement Chahed chargé, il faut le rappeler, de gérer les affaires courantes du pays en attendant la nomination d’un nouveau gouvernement.

Mais vu la tournure des événements, avec une éventuelle dissolution du Parlement par le président de la République (c’est l’une de ses prérogatives), les islamistes veulent coûte que coûte empêcher ce scénario.

Toutefois, ils se sont lourdement trompés, car ils ont oublié qu’à la tête de l’Etat tunisien il y a maintenant un constitutionnaliste, c’est-à-dire un spécialiste du droit constitutionnel.

Donc, de facto, cette issue est rejetée par le président de la République, Kaïs Saïed, lequel a d’ailleurs mis en garde, lors de son entretien au palais de Carthage, lundi 17 février, avec Rached Ghannouchi, et le chef du gouvernement, Youssef Chahed contre la gravité “d’outrepasser la Constitution par la Constitution”.

Toujours dans cet ordre d’idées, Saied a indiqué à Elyès Fakhfakh que “chercher à retirer la confiance du gouvernement de gestion des affaires courantes (en vertu de l’article 97) constitue une action en dehors du cadre constitutionnel vu que ce gouvernement est issu de l’ancien Parlement”. Autrement dit, le gouvernement de Chahed n’a pas obtenu le vote de confiance de l’actuel Parlement, donc ce dernier ne peut en cas, juridiquement et constitutionnellement parlant, le démettre.

Rappelons in fine que Fakhfakh avait dévoilé, samedi 15 février, la composition de son cabinet ministériel, soulignant au passage que la décision du mouvement Ennahdha de ne pas voter la confiance au gouvernement proposé met le pays dans une position difficile.