En 2017, la consultation pour la réparation de réacteurs d’avions Tunisair a été remportée par une filiale canadienne de la firme aéronautique américaine, la Lockheed Martin, spécialisée dans l’industrie de défense et de sécurité (1) !

La compagnie aérienne tunisienne, Tunisair, habituée à traiter directement avec les compagnies aériennes procédant aux réparations, s’est vue cette fois-ci acculée à choisir la «Lone Star Group» (2), un intermédiaire avec lequel elle a signé le contrat. La raison serait, entre autres, que ses partenaires classiques dont la Lufthansa ou Air France ne voulaient pas s’encombrer d’anciens réacteurs et ne pouvaient procéder aux réparations en court laps de temps ( à l’époque, 6 mois ).

Résultat des courses : le prix des réparations aurait augmenté de 40%, alors que la compagnie nationale traverse une crise sans précédent au niveau de ses ressources financières. Elle serait aujourd’hui incapable de payer les deux compagnies (l’exécutante et l’intermédiaire).

C’est le blocage au vrai sens du terme ! Ce qui la prive de renforcer et sa flotte et ses dessertes ! Précisons que seulement 20 avions sont aujourd’hui exploités par Tunisair sur une flotte qui compte 27 avions. Par souci sécuritaire, la compagnie aurait préféré éliminer nombre de lignes qu’elle desservait. Et même si l’état des cabines vétustes laisse à désirer, il est rassurant de savoir que les avions en vol sont parfaitement contrôlés et ne souffrent aucune défaillance technique.

Toutefois, ils ne peuvent satisfaire aux exigences d’un nombre de voyageurs de plus en plus croissant.

Ce qui nous amène aux réacteurs «otages» de la Lockheed Martin. Alors que Tunisair a besoin de tout son parc aéronautique, les 4 réacteurs retenus par la filiale de la compagnie américaine la privent de renforcer sa flotte par deux autres avions. Ce qui aurait aussi œuvré à la reprise et à l’augmentation de  ses vols sur certaines destinations dont africaines, où la demande est forte et éviter aux avions en exercice des rotations supplémentaires.

L’affaire traîne depuis plus de deux ans depuis l’achèvement des travaux de réparation sans aucune avancée sur le dossier malgré les aller et venus de nombreuses délégations de Tunisair.

Les questions qui se posent face à cette situation de blocage sont :

– Ceux qui ont négocié le contrat savaient-ils qu’ils avaient affaire à deux compagnies au lieu d’une ?
– Qui a supervisé le contrat et qui a validé les factures ?
– Etaient-ils conscients que l’intermédiation coûterait 40% de plus à la compagnie aérienne nationale ?
– Pourquoi n’avaient-ils pas traité avec d’autres partenaires de Tunisair situés éventuellement en Europe, outre ceux qui ont refusé, ce qui aurait, éventuellement, permis de faire des économies sur les frais de réparation et de récupérer les réacteurs plus rapidement ?
– Qu’a fait Tunisair pour trouver des pistes de sortie et jusqu’à quand elle va supporter les frais des délégations se déplaçant régulièrement au Canada ?
– Enfin, les décideurs de Tunisair savaient-ils que le nom de la Lone Star Group serait lié à un paradis fiscal?

Sans être en possession de tous les éléments de réponse concernant cette tractation dont la transparence n’est pas avérée, il paraît quand même curieux que, dans un pays où la lutte contre la corruption est devenue le seul projet de l’Etat et des partis politiques à l’Assemblée, des entreprises publiques aussi importantes ne soient pas plus vigilantes !

Amel Belhadj Ali

  • La Lockheed Martin est la première entreprise américaine et mondiale de défense et de sécurité2, 3. Comme ses principaux concurrents, elle conçoit et réalise différents produits dans lesquels l’électronique et la technologie jouent un rôle déterminant.
  • Lone Star Group est une société aéronautique multinationale diversifiée qui possède des bureaux aux États-Unis, au Canada, en Europe, en Afrique, au Moyen-Orient et bientôt en Chine. LSG est spécialisée dans l’acquisition, la vente, la location, la réparation et la remise à neuf d’avions commerciaux, d’avions d’affaires et d’hélicoptères. Nous gérons également pour nos clients les révisions et réparations de moteurs commerciaux, d’entreprise et d’hélicoptères.