En Tunisie, pays en situation de stress hydrique, (moins de 500 m3 par habitant et par an), seulement 23% des eaux usées traitées sont réutilisées, notamment dans l’irrigation des terrains de golf, des espaces verts, des recharges artificielles des nappes (Korba, Djerba …) et beaucoup moins dans l’irrigation des périmètres agricoles.

En mètres cubes, il s’agit d’un potentiel d’environ 275 millions m3, dont seulement 60 millions m³ sont exploités. ” C’est l’équivalent de la capacité d’un nouveau barrage “, a déclaré Awatef Laarbi Messi, directrice générale de l’Environnement et de la qualité de la vie au ministère des Affaires locales et de l’Environnement.

La responsable estime que l’exploitation de ce potentiel d’eau non conventionnelle est aujourd’hui indispensable. “Nous n’avons plus le choix. Dans la conjoncture actuelle de changement climatique et de raréfaction des ressources en eau, il faut explorer toutes les pistes et sensibiliser à la nécessité d’utiliser davantage les eaux usées traitées pour réduire la pression sur les ressources conventionnelles mobilisées”.

Pour renforcer la valorisation des eaux non conventionnelles dans l’agriculture, le projet MENAWARA, un projet de gestion intégrée dans les pays de la Méditerranée a été officiellement lancé, jeudi à Gammarth (banlieue nord de Tunis) en présence de représentants des pays ciblés (Tunisie, Italie, Palestine, Jordanie, Liban, Espagne, et autres) et des responsables de l’ONAS, de l’Université “SASSARI”, la plus ancienne université de la Sardaigne en Italie et des ministères de l’Agriculture et de l’Environnement.

D’un coût de 2,6 millions d’euros, dont 2, 2 millions d’euros sont accordés par l’Union européenne, ce projet qui prévoit des actions pointues jusqu’à 2022, prévoit la création d’un living lab, une action participative dans le cadre de laquelle citoyens, habitants et usagers sont considérés comme des acteurs clés des processus de recherche et d’innovation, initialement en Tunisie, pour sensibiliser à la nécessité de réutiliser les eaux non conventionnelles dans le domaine agricole et identifier des solutions innovantes et pratiques.

Il prévoit également de renforcer le partenariat entre les entreprises qui fournissent de l’eau et les consommateurs des eaux, en particulier, les agriculteurs.

Car, pour le secteur agricole, qui consomme, à lui seul, environ 83 % des ressource en eau en Tunisie, le recours aux eaux usées épurées constitue une opportunité importante et une alternative.

Le projet Menawara, apporte selon Samira Rafrafi, point focal du programme CBCMED en Tunisie, initiative de coopération transfrontalière mis en œuvre par l’UE dans le cadre de l’Instrument européen de voisinage, des solutions innovantes et technologiques pour ” réduire la pression sur l’eau douce dans les pays ciblés “.

“La pénurie de l’eau et la dégradation de sa qualité sont devenues des préoccupations majeures pour toute la région méditerranéenne “, a-t-elle rappelé.

Un travail devrait être fait, à cet effet, en matière de normalisation, selon les usages de cette eau (irrigation agricole, recharge des nappes, irrigation des espaces verts…).

La Banque mondiale (BM) avait mentionné, dans un rapport, que la qualité de l’effluent provenant des stations d’épuration existantes en Tunisie est ” très moyenne ” et que certaines de ces stations sont saturées et offrent une qualité de traitement ” assez mauvaise “.

Les eaux usées traitées en Tunisie doivent répondre à la norme NT 106.02, homologuée le 20 juillet 1989, avant rejet en milieu hydrique. Elles doivent être, ainsi, débarrassées de la pollution organique et désinfectées.

L’Office national de l’assainissement (ONAS), qui gère l’ensemble des stations d’épuration, est souvent critiqué pour avoir échoué à se conformer aux règles de qualité des eaux usées.

Mais, des programmes sont actuellement en cours pour la réhabilitation des stations d’assainissement à travers le passage à un traitement tertiaire plus sophistiqué pour assurer une meilleure qualité de l’eau usée traitée, ont rassuré les responsable de l’office, jeudi, à Gammarth.

Le projet MENAWARA et d’autres programmes et projets visent essentiellement à trouver des solutions aux contraintes à l’origine de la faible utilisation des eaux usées traitées.

Il s’agit, surtout, de la restriction des listes des cultures à irriguer, l’absence de normes spécifiques, la réticence des agriculteurs, l’insuffisance d’encadrement et le manque d’adéquation entre les prix de vente et les coûts de pompage et d’entretien, en plus de l’instabilité de la qualité des eaux usées traitées.