Absent des radars de la politique nationale depuis plus de cinq ans, Khayam Turki y a effectué un retour discret mais remarqué à l’occasion du processus électoral de cette fin d’année 2019. Et de manière plutôt surprenante.

En effet, l’ancien membre fondateur et dirigeant du Forum démocratique pour le travail et les libertés (Ettakatol) de Dr Mustapha Ben Jaafar –membre du bureau politique, il en a même été élu secrétaire général adjoint en 2013-, qui en avait démissionné début 2015, refait surface avec la casquette de consultant et conseiller en stratégie politique, spécialiste des politiques publiques. Un rôle qui n’est pas nouveau pour lui puisqu’il a déjà assumé aux côtés et au profit du fondateur d’Ettakatol, dont il a dirigé la campagne électorale en 2011.

Après ce baptême de feu, il a consolidé son savoir-faire dans ce domaine avec le think tank Joussour qu’il avait créé en 2015, après avoir tourné la page de la politique. Une structure qu’il avait créée pour trois raisons.

La première raison est d’ordre général : «dans tous les pays démocratiques, la réflexion politique est différenciée voire séparée de l’action politique. Les caractéristiques, les calendriers et les environnements requis ne sont pas les mêmes selon que l’on soit dans la réflexion stratégique politique ou dans l’action politique partisane ou même institutionnelle».

Les deux autres concernent plus particulièrement la Tunisie. D’abord, le pays vit une période charnière «où ses modèles sont à repenser de fond en comble». L’environnement régional du pays étant lui-même «en pleine mutation», il y a «un besoin urgent de réfléchir aux nouvelles stratégies politiques qui tiennent compte simultanément de ces deux bouleversements».

Cette remise en question passe par une recherche de solutions aux problèmes du pays «de manière inclusive en jetant des ponts de réflexion (Joussour) entre le monde politique et la société civile, entre les régions côtières et intérieures, entre les générations et entre les partis et les courants de pensée».

Ensuite, une fois définies, «les politiques publiques doivent se faire connaître et être comprises et débattues par un public le plus large possible afin de démocratiser et de populariser leurs contenus», «afin d’influer le plus efficacement possible» les pouvoirs publics, les divers décideurs politiques, les opinons publiques directement ou au travers.

C’est probablement à ce genre d’exercice, du moins en partie, que Khayam Turki s’est livré durant la campagne électorale pour les élections législatives et présidentielle, et ce en faisant en quelque sorte le grand écart, puisqu’il a, d’après nos informations, fait bénéficier de ses services deux formations politiques totalement aux antipodes l’une de l’autre –pour ne pas dire davantage-, à savoir Ennahdha et Qalb Tounes.

L’ex-futur ministre des Finances dans le gouvernement de la Troïka –il avait dû démissionner avant l’annonce officielle suite à des accusations de malversations lancées par son ancien employeur émirati démenties par l’intéressé-, serait intervenu devant le sacro-saint Majlis Choura pour expliquer à ses membres notamment les raisons de son recul politique depuis 2014, et aurait aidé le parti de Nabil Karoui à élaborer son programme économique.

Mais le come-back du fils de feu l’ambassadeur Brahim Turki pourrait ne pas se limiter à ce rôle dans le back office de la politique tunisienne. D’aucuns pensent qu’il pourrait prendre sa revanche en intégrant le futur gouvernement.