Le parti Ennahdha a gagné les élections législatives. Et quels que soient les moyens très peu catholiques (ou islamiques) dont il a usé pour arracher une victoire, il est aujourd’hui le maître des lieux ! 

Avec 52 députés, c’est le bloc majoritaire à l’ARP, suivi de Qalb Tounes (38), du Courant démocrate (22) et de la Coalition AlKarama (21). C’est d’ailleurs ce mouvement composé d’islamistes radicalisés qui a montré des prédispositions à une coalition avec le parti Ennahdha, mais à quelles conditions ? Nous ne perdons rien à attendre.

Les 52 députés pour Ennahdha associés à ceux du parti de Seifeddine Makhlouf (21 sièges) pourront-ils avoir le vote de confiance s’ils constituent un gouvernement, sachant que tous les autres partis ont annoncé leurs intentions d’être dans l’opposition?

Un terrible dilemme pour Rached Ghannouchi, lequel est parfaitement conscient que Kaïs Saïed n’est pas l’oiseau rare qu’il aurait aimé avoir.

Rached Ghannouchi, qui penserait sérieusement à occuper lui-même le poste de chef de gouvernement, n’est même pas sûr d’être élu président de l’ARP.

Rached Ghannouchi, qui est en pleine cogitation car ne sachant comment faire pour gouverner, comme à son habitude en back office, en mettant des boucs émissaires en front office afin qu’ils assument en lieu et place tous les choix qu’il leur aurait imposés.

Et cette fois-ci, les bases d’Ennahdha, qui sont en train de se diluer, exigent que leur parti gouverne. Ils ne sont d’ailleurs pas les seuls, une large frange du peuple tunisien veut que le parti Ennahdha, qui s’est toujours défilé de ses responsabilités dans les échecs des politiques gouvernementales depuis 2011, assume le pouvoir qu’il a voulu avoir.

Des organisations de la société civile préparent d’ores et déjà une campagne baptisée “Rbiht, ohkom” (vous avez gagné, gouvernez).

Les questions qui se posent aujourd’hui avec acuité sont :

– Les partis qui ont choisi d’être dans l’opposition et qui sont plus nombreux que ceux dans les coalitions possibles ou plausibles accorderont-ils le vote de confiance au gouvernement Ghannouchi?

– Rached Ghannouchi ira-t-il au bout de son idée d’occuper le poste de CDG (lire Chef De Gouvernement) ou se défilera-t-il as usual pour ne pas essuyer un échec annoncé ?

– Les hautes compétences “technocratiques”, plan B de Ghannouchi, accepteront-elles d’être les dindons de la farce, sachant que jamais Ghannouchi ne leur laissera les mains libres et qu’il restera maître à bord comme avec Youssef Chahed, qu’ils le veuillent ou non?

– Les positions révolutionnaires du président nouvellement élu risquent fort de priver la Tunisie du soutien de ses alliés traditionnels, Europe, États-Unis et des bailleurs de fonds qui ont permis le maintien à flot d’une économie agonisante, et dans ce cas, Ghannouchi et Ennahdha ont-ils un plan de sauvetage ou comptent-ils sur la Turquie et le Qatar (qui sont eux-mêmes en crise) pour les aider à sortir de l’impasse économique ?

Nombre d’interrogations se posent et ne sont pas de tout repos pour Ghannouchi. C’est peut-être la raison pour laquelle la réunion du Majlis Choura, qui devait avoir lieu mardi 15 octobre, a été reportée au week-end prochain.

On s’attend à ce que des décisions importantes soient prises à l’occasion, et pendant ce temps, des bruits persistants disent que Kaïs Saïed boude les sollicitations de toutes les personnalités nationales et internationales pour le voir et qu’on peine à organiser avec lui les modalités et le programme de l’investiture présidentielle.

Décidément la Tunisie d’aujourd’hui nous renvoie à deux images : celle du film «Vol au-dessus d’un nid de coucou» ou celle des chefs d’œuvre de Dante Alighieri : «L’enfer et le purgatoire !».
A quand la délivrance ?

AmeL Belhadj Ali