Certains candidats à l’élection présidentielle en Tunisie focalisent plus leurs discours de campagne la politique étrangère, et même sur l’Afrique. Pour autant, est-ce que l’Afrique peut constituer “un enjeu électoral majeur“ en Tunisie ?

Difficile à croire, et ce d’autant plus que même les pays ayant d’immenses intérêts –politiques et économiques- en Afrique ne l’ont jamais fait, en tout cas à notre connaissance.

Ceci dit, certes, certains candidats essaient tant bien que mal de parler politique sécuritaire et politique étrangère, deux domaines de compétences du chef de l’Etat. Mais on constate que les thèmes populistes dominent leurs discours, en l’occurrence lutte contre la pauvreté, l’inflation, le chômage, problème de l’eau, etc.

Mais là où le bât blesse, c’est le dogme dans lequel s’est toujours engouffrée la politique étrangère de la Tunisie, à savoir une relation étroite avec l’Europe et les Etats-Unis d’Amérique, une ouverture sur la Chine et la Russie, un ancrage dans le monde arabe et islamique avec un soutien sans faille à la cause palestinienne, toutefois sans alignement politique sur un clan aux dépens d’un autre et sans ingérence.

En somme une continuation de toute la politique étrangère tunisienne depuis Bourguiba.

Alors que peut donc apporter de nouveau le futur président de la République ?

Déjà une évidence : l’Afrique subsaharienne est la seule région du monde où la Tunisie a été timide voire absente ; un continent couru par la Chine, l’Inde, le Japon, la Russie, la Turquie, l’Europe, à travers l’ouverture d’ambassades, l’établissement de nouvelles lignes aériennes, la multiplication de rencontres économico-commerciales et autres visites d’officiels, ainsi que la suppression progressive des procédures de visa pour les Africains.

A titre d’exemple, plus de 150 000 étudiants africains sont inscrits dans les universités françaises ; ils seraient 30 000 en Arabie saoudite, mais seulement 7 à 8 000 étudiants en Tunisie aujourd’hui (ils étaient 15 000 en 2011 dans notre pays).

Le futur président de la République sera-t-il en mesure de multiplier les initiatives et innover en direction de l’Afrique subsaharienne, notamment en matière de politique de visa, d’ouverture de représentations diplomatiques, de création de nouvelles lignes aériennes, ou encore de visites d’Etat ?

D’ailleurs en matière de visa, le Bénin par exemple a multiplié par 10 le nombre de visiteurs dans le pays après avoir supprimé les procédures d’octroi de visa. A défaut, la Tunisie pourrait instaurer une politique de délivrance de visa à l’entrée du territoire…

Bref, il peut inventer en mettant en place une nouvelle stratégie de politique étrangère envers l’Afrique, ce qui a toujours fait en Tunisie.

Selon nos informations, Mohamed ABBOU en fait “un thème central“ de sa compagne de communication (voir son annonce). Mais force est de reconnaître que les favoris de cette élection n’évoque pas l’Afrique –en tout cas pas pour le moment-, convaincus qu’ils sont que le continent africain ne “fait pas vendre“. Et ils ont sans doute raison, rien qu’à voir le nombre d’entreprises tunisiennes ou de Tunisiens installés en Afrique, on peut comprendre…