Le chômage des jeunes a été l’une des raisons principales ayant déclenché le soulèvement du 14 janvier 2011. Le droit à l’emploi était une des revendications des indignés descendus dans la rue aux côtés de celles de la liberté et de la dignité.

Pour comprendre les causes du chômage en Tunisie, un éminent universitaire, en l’occurrence Mongi Boughezal, en a traité exhaustivement lors du XVème Colloque international qui s’est tenu du 10 au 11 juin 2019 à Hammamet sur le thème «Efficacité des politiques économiques”.

Il a commencé par faire un état des lieux et par présenter les indicateurs-clé du chômage en Tunisie : plus de 600 000 chômeurs dont 85% ont moins de 35 ans, en majorité des jeunes et des femmes. Le taux de chômage des femmes est deux fois supérieur à celui des hommes. Le taux de chômage augmente avec le niveau d’éducation. Les trois quarts des chômeurs diplômés de l’enseignement supérieur (plus de 250 000) sont des femmes. Les ¾ des sortants de l’enseignement secondaire au chômage sont des hommes.

Le conférencier devait évoquer, ensuite, les principales causes à l’origine de ce fléau : la persistance de la pression de l’offre, l’insuffisance de la demande, la discordance entre les compétences offertes et celles demandées par les employeurs, l’inefficience des institutions et mécanismes qui régissent le marché de l’emploi en Tunisie.

Concernant la pression de l’offre de travail, il a indiqué que la Tunisie compte plus de 600 000 chômeurs, pour la plupart des jeunes et des femmes. «Il faudra peut-être une dizaine d’années voire plus pour l’absorber», note le conférencier.

L’universitaire fait une mention spéciale pour l’arrivée d’un plus grand nombre de femmes sur le marché du travail par l’effet de l’évolution de la composition de la population active et du niveau d’éducation des femmes.

La croissance ne génère pas assez d’emplois

S’agissant de l’insuffisance de la demande, l’universitaire indique que bien que la croissance et la création d’emplois soient corrélées, la croissance ne génère pas assez d’emplois.

En clair, selon lui, «l’économie ne crée pas assez d’emplois et assez d’investissements», dit-il avant d’ajouter : «La majorité des emplois créés par le secteur privé sont à faible productivité, pour une main-d’œuvre peu qualifiée et à bas salaire».

Selon des données fournies par l’enquête par panel sur le marché du travail en Tunisie (TLPMS), note-t-il, 78,5% des gens préfèrent travailler pour le secteur public et attendre longtemps un tel emploi plutôt que d’accepter un emploi dans le secteur privé, et encore moins dans l’informel.

Sans commentaire.

Autre cause du chômage abordée par Mongi Boughezal, le “mismatch“, autrement dit l’inadaptation de la formation à l’emploi demandé. Et le conférencier d’en énumérer les facteurs.

Le mésappariement entre l’offre et la demande de qualifications est un des grands défis qui se posent à la Tunisie.

Il estime que malgré l’amélioration remarquable du niveau d’éducation, l’inadéquation du système éducatif est une cause principale du mismatch et donc du chômage.

Dans le même ordre d’idées, il a abordé la déconnection entre le système éducatif et les employeurs, y compris pour la recherche et le développement.

La mauvaise gouvernance

A ce propos, le conférencier a relevé que les institutions responsables de la formation ne sont pas redevables de l’insertion de leurs diplômés et n’essaient même pas de s’informer de leur parcours.

Il en explique les raisons. Pour lui, ces institutions n’ont pas l’autonomie nécessaire. Idem pour le contrôle et le suivi. Ces derniers sont faibles et portent peu sur les résultats obtenus.

D’après le conférencier, les besoins de l’économie et de l’emploi des diplômés ne sont pas des critères importants de management du système éducatif en Tunisie.

L’informalité, une cause du chômage

Mongi Boughezal pense que l’expansion du secteur informel s’explique par la différence entre le coût de l’appartenance au secteur formel et celui de l’appartenance au secteur informel.

Il considère que la faible capacité de l’Etat à faire respecter les lois, notamment celles du travail et de la fiscalité, serait à l’origine de l’émergence du secteur parallèle.

L’informalité est, en quelque sorte, une réponse à l’Etat autoritaire et inéquitable.

Conséquence : il pense que la lutte contre le chômage sera d’autant plus longue et difficile que la taille du secteur informel est grande.

La rigidité du marché du travail serait une cause

Selon le conférencier, la Tunisie figure parmi les pays où la flexibilité de l’emploi est très rigide.

Citant des indicateurs de l’OCDE, la Tunisie est classée 63ème sur 73 pays selon le critère de la protection des employés permanents contre le licenciement individuel, et 23ème contre le licenciement collectif, et ce malgré les deux amendements de 1994 et 1996.

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