Je vois que la plupart de mes amis se sont déjà alignés derrière un candidat à la présidentielle. J’avoue ne pas comprendre l’urgence. Que sait-on sur ces candidats par rapport aux grands défis et questions de l’heure? L’essentiel pour moi est dans leur manière de PENSER l’avenir de la Tunisie, pas ce qu’ils ont l’intention de FAIRE. Vu les prérogatives de la fonction présidentielle, et comme on le sait très bien maintenant, leurs programmes ne seront que des promesses qui n’engageront que ceux qui les croiront. Pour emprunter une image à Abi El Atahia, les candidats seront comme ces nuages grondants et menaçants, mais qui seront avares en pluie. Alors, pour mieux les connaitre il faut, à mon avis, leur demander de se prononcer sur les grandes questions qui dérangent et qui divisent notre société, et qui seront cruciales pour son avenir. Ce sont ces questions difficiles qui révèleront la grandeur où la petitesse de leurs âmes, leurs visions pour le pays, la justesse de leurs jugements et leur courage.

Voilà une dizaine de questions qui me semblent essentielles pour mieux les sonder. A vous d’en rajouter.

1- Qu’est ce qu’ils vont faire pour réparer le fossé qui s’est créé entre le citoyen et l’Etat, du fait que le rôle de l’Etat ait été dévoyé pour devenir un distributeur de rente pour les puissants, c’est-à-dire ceux qui détiennent le pouvoir politique, la richesse ou simplement le pouvoir de nuire, tel que l’UGTT?

2- Que vont-ils faire pour remédier à la crise de la fonction et des entreprises publiques, qui ont tourné le dos à la méritocratie et à l’efficacité, et qui en retour n’ont récolté que démoralisation, humiliation et rêve d’émigration chez leurs cadres?

3- Que proposent-ils pour remédier à la crise du secteur privé, qui n’investit plus tant il est devenu une proie facile pour la corruption et le chantage, et tant il est envahi par le doute, enterré sous la bureaucratie et submergé par un commerce parallèle de plus en plus “toléré” ;

4- Que pensent-ils des alliances stratégiques dans un environnement international à haut risque, et en particulier par rapport à l’ALECA, opportunité tangible, mais qui est tantôt présentée comme une bénédiction et tantôt comme une malédiction ;

5- Quel est leur opinion par rapport à une constitution ambigue sur plusieurs points, dont la mise en oeuvre est inachevée du point de vue institutionnel, et qui reste entravée même dans ce qu’elle contient de plus noble et progressiste : l’égalité entre les sexes et les religions ;

6- Comment pensent-ils désamorcer une situation sociale explosive, où l’exacerbation des inégalités et de la pauvreté est entretenue par une politique sociale périmée, et qui s’est révélée autant coûteuse qu’inefficace ?

7- Comment créer un consensus national à long terme pour réformer les secteurs clés de l’éducation et de la santé ?

8- Comment encourager un comportement plus « éthique » chez nos élus ?

9- Comment nous sevrer de la spirale destructrice de la dette publique ?

10- Et finalement, ma question la plus importante: est-ce-que la paix sociale n’a vraiment pas de prix ? En d’autres termes, est-ce que lui ou elle, une fois président, continuera à accepter que le gouvernement capitule devant toutes les revendications, même les plus farfelues, pour préserver la paix sociale, ou as-t-il/elle une vision différente sur comment réaliser une paix sociale durable ?