L’art de créer beaucoup de nouveaux problèmes en voulant en résoudre un seul, ou le génie réglementaire tunisien.

Le Journal officiel vient de publier le décret 379 du 22/4/2019 relatif à la couverture sociale des travailleurs agricoles (en précisant y compris les femmes), les travailleurs saisonniers, les “travailleurs ambulants en milieu rural” (?), “les femmes collectrices de mollusques” (les hommes collecteurs de mollusques sont évidemment exclus).

Pour ces travailleurs, le décret stipule que les intéressés peuvent bénéficier d’un régime de protection sociale (retraite et assurance maladie) moyennant le paiement d’une cotisation qu’ils prennent en charge totalement sans la contribution de leur employeur.

Ce qu’on semble oublier, c’est que toutes ces catégories étaient en principe couvertes par le régime des travailleurs agricoles de la CNSS et que près de 100 000 personnes adhèrent à ce régime, mais le point faible de ce régime (d’origine réglementaire), c’est que le bénéficiaire doit travailler au moins 45 jours par trimestre chez le même employeur.

Au lieu de traiter la cause du problème, on est allé créer un nouveau régime, qui est en fait plus favorable aux employeurs, puisqu’ils ne sont plus tenus de payer la contribution patronale (grosso modo le double de la contribution des salariés). Du coup, tous les travailleurs dans l’agriculture vont être reversés dans le nouveau régime, avec une charge en plus pour les travailleurs et moins de recettes pour la CNSS !

Cerise sur le gâteau, on a confié de gré à gré la collecte des cotisations à un opérateur privé (non dit explicitement dans le décret, mais l’intéressé a tenu une conférence de presse pour l’annoncer) qui va détenir la base de données des bénéficiaires et qui pourra, de manière discrétionnaire, décider du périmètre des bénéficiaires. Comment définir un “travailleur ambulant en milieu rural” ?, par le lieu de résidence ? Où commence et où se termine un milieu rural ? Mornag, c’est une ville ou un milieu rural ? Chawki Tabib risque d’avoir plus de pain sur la planche !

Abdelaziz Halleb