L’événement géostratégique régional a été créé, dans la soirée du mercredi 3 avril 2019, par l’offensive militaire lancée par le maréchal Khalifa Belqasim Haftar pour prendre le contrôle de la capitale libyenne, Tripoli, où est basé le gouvernement d’«union nationale» (GNA) de Fayez al-Sarraj.

Cette nouvelle escalade de violence inquiète la communauté internationale et les pays voisins (Tunisie et Algérie) qui ont subi indirectement les affres de cette crise. Le pire des risques est de voir toute la zone du Maghreb s’embraser et connaître un sort similaire à celui de la Syrie. 

Cette offensive a suscité moult interrogations : pourquoi les choses se sont soudainement précipitées ? Quelles sont les chances de succès de cette offensive ? Quelle serait son impact sur la Tunisie en cas de victoire de Haftar et quels seront les partis politiques tunisiens qui seront les plus affectés ?

Dans cet article en trois parties, nous essayerons d’apporter des éléments de réponse à l’ensemble de ces questions.

Le contexte de l’offensive 

Pour les observateurs avertis du dossier libyen, cette offensive était prévisible, se dessinait depuis plusieurs mois et obéissait à une certaine logique militaire.

Depuis plus de deux ans, le maréchal Haftar ne cesse d’annoncer la libération de la capitale historique de Libye, Tripoli, mais il n’en avait pas les moyens, du moins jusqu’à ces deux derniers mois.

Il est basé à l’est du pays, à Benghazi, capitale de la plus vaste province du pays, la Cyranéique. Il lui a fallu d’abord débarrasser les villes de cette région, particulièrement de Benghazi et de Derna, de tous les terroristes. Une fois cette province pacifiée, il s’est engagé dans le sud où il a conquis, durant les mois de janvier et de février 2019, la ville de Sebha, capitale de la deuxième province du pays Fezzan (sud-ouest). Il a surtout pris le contrôle de deux gisements de pétrole autour de cette grande ville et des postes frontaliers avec les pays voisins du sud (Soudan, Tchad et Niger).

Forte de ces précieuses victoires avec le plus souvent la complicité de tribus locales, l’armée du maréchal Haftar, autoproclamée «Armée nationale libyenne (ANL)», a lancé son projet de reconquête du nord-ouest du pays, c’est-à-dire la province de la Tripolitaine.

Pourquoi ce timing ?

La question est de savoir maintenant pourquoi les événements se sont subitement précipités au point de compromettre un dialogue politique déterminant inter-libyen. Un dialogue qui a suscité des espoirs par la rencontre à Abou Dhabi, le 28 février 2019, entre Fayez al-Sarraj et le maréchal Haftar. Les deux dirigeants qui se disputent la Libye se sont entendus, selon les médias, sur la nécessité de préserver la stabilité et d’unifier les institutions du pays.

Concrètement, un nouveau GNA bis devrait être formé et une feuille de route vers la tenue d’élections générales devrait être élaborée, lors d’une conférence tenue sous l’égide de l’ONU mi-avril à Ghadamès, dans le sud-ouest…

C’est dans cette logique, semble-t-il, que des diplomates s’étaient empressés d’interpréter l’offensive du maréchal Haftar comme une tentative d’établir, à la veille de ces négociations, un rapport de force en sa faveur.

S’achemine-t-on vers une 3ème guerre civile ? 

Si ce n’est pas le cas et que le maréchal Haftar est déterminé à aller jusqu’au bout de son offensive, en l’occurrence le contrôle de la Tripolitaine et par-delà de tout le pays, il est intéressant de se demander sur ses chances de succès sur le terrain et sur l’éventualité du déclenchement d’une troisième guerre civile après celles de 2011 et de 2014.

Objectivement, soutenue par l’Egypte et les Emirats arabes unis, l’ANL, composée d’anciens militaires khadafistes et de milices rodés après les éreintantes batailles menées contre les terroristes djihadistes de Benghazi et de Derna, a l’avantage.

Elle aura en face d’elle, à Tripoli, des milices de quartiers et de tribus (mention spéciale pour celles de Mistrata) mais aussi des milices alliées comme celle de Tarhouna au sud de Tripoli.

D’ailleurs, certains experts militaires attribuent le contrôle par l’ANL de l’ancien aéroport de Tripoli à la complicité de cette dernière milice.

La communauté internationale condamne l’offensive  

Quant aux réactions à cette offensive, la communauté internationale tout comme les pays voisins sont contre cette offensive et plaident pour une solution politique.

Après avoir rencontré à Tripoli le chef du GNA, le 4 avril 2019, le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, s’est entretenu, le lendemain, avec le maréchal Haftar, à Benghazi.

Selon certaines sources concordantes, Antonio Guterres, n’aurait pas réussi à faire accepter au maréchal Haftar une nouvelle rencontre, à Genève, avec Fayez Sarraj.

Réunis, vendredi 5 avril 2019, le Conseil de sécurité de l’ONU, tout autant que les ministres des affaires étrangères des sept pays les plus industrialisés (G7) ont appelé les belligérants à stopper les hostilités. Pour eux, le message est on clair : «Il n’y a pas de solution militaire au conflit libyen».

C’est dans cet esprit d’ailleurs que le chef du gouvernement d’union nationale (GNA) libyen, Fayez al-Sarraj, a mis en garde, samedi 6 avril 2019, le maréchal Haftar contre la perspective d’une «guerre sans gagnant» en Libye.

Pour leur part, la Tunisie et l’Algérie, les deux pays voisins qui ont le plus pâti de la crise libyenne depuis 2011, sont sur le qui-vive.

Suivra…