Sur les vastes territoires arides de la ville de Redayef au Sud-Ouest de la Tunisie, s’est aventurée la réalisatrice Chiraz Bouzidi pour filmer dans de vues aériennes des scènes de son documentaire “Majadhib”, produit en 2018.

Après deux premières projections à la section “Regards sur le cinéma Tunisien” des Journées Cinématographiques de Carthage (JCC) 2018, ce documentaire a été présenté, mardi soir, en avant-première à la Cinémathèque tunisienne, dans le cadre des mardis du cinéma tunisien.

Des scènes spectaculaires sur ces territoires du gouvernorat de Gafsa, qui cachent bien une misère, sans fin, d’une population et d’une jeunesse oubliées par le système. Du cœur de la ville de Redayef la réalisatrice entame son périple étalé sur une année.

Des allers-retours sur près de quatre ans ont été faits avant qu’elle puisse entamer le tournage, moyennant un budget qui ne dépasse pas les 120 mille dinars, subvention de l’Etat, dit-elle.

“D’une trentaine d’heures de tournage, la réalisatrice parle d’un montage qui a duré des mois”, et permis de retenir 70 minutes pour une escale, pas sans douleur, dans le vécu des gens de la Tunisie profonde, toujours dans le besoin mais qui continuent à survivre.

Elle est partie à Redayef suivre le périple d’une troupe musicale de Stambeli dirigée par Mohamed Rayouna, trentenaire, et un groupe de jeunes dont le plus âgé d’entre eux n’a que 18 ans. Affaibli par la maladie et un court séjour en prison, Mohamed Rayouna, fini par abandonner et céder la direction de la troupe.

Une vie de musiciens pas comme les autres dont les répétitions se font à ciel ouvert autour d’un feu de camp et dans des conditions rudimentaires. Ils se préparent pour la Hadhra qui a lieu jeudi et vendredi.

Il s’agit d’une cérémonie de chant liturgique qui est une tradition ancestrale pour faire guérir les gens. Un jeune possédé par le djin rentre en transe et témoigne, après de sa guérison.

De là vient le choix de l’intitulé du documentaire “Majadhib” qui est une appellation, -du dialecte tunisien en pluriel-, qu’on donne chez les gens de Redayef à la personne qui rentre en transe (singulier “Majdoub”), selon la réalisatrice.

A la misère s’ajoute des croyances qui accentuent encore les malheurs de ces gens et de toute une jeunesse. Se produire dans des spectacles de Hadhra ou vendre des pigeons sur le marché de la ville, serait la seule alternative de ces jeunes face à la misère.

Le témoignage sur cette histoire d’amour entre une jeune fille et son fiancé, tous deux encore lycéens, ne semble pas trop différer. S’il est incertain, l’avenir à Redayef est aussi limité par les moyens, les croyances et la mentalité qui règnent.

Tout est vétuste et annonciateur d’un quotidien pas assez évident et d’une vie assez rude. Et pourtant, l’espoir est là et la joie de vivre se dessine sur ces visages juvéniles au regard endurci par les épreuves de la vie qu’ils mènent en dehors des bancs de l’école.

Après des études dans le cinéma, Chiraz Bouzidi qui avait débuté dans le genre fiction, par des courts-métrages, essaye cette fois-ci de s’initier au documentaire. Elle dit être “touchée” par l’histoire de ces gens dont “la musique demeure un choix face à une vie assez dure.

Redayef, ville minière qui abrite un important gisement de phosphate est aussi le symbole d’une délégation militante, depuis l’époque coloniale jusqu’à nos jours. Peu avant la révolution, le militantisme des habitants de Redayef s’est traduit par cette manifestation sociale en 2008, la première étincelle qui était derrière les événements de 2011 et de ce qu’on appelait le début du printemps arabe.

“Travail, Liberté et Dignité”, trois mots qui résonnaient comme un hymne pour tout un peuple. Près de 10 ans déjà, mais la situation demeure la même pour les habitants de Redayef, toujours sous le fardeau de la pauvreté. A la nature hostile, s’ajoutent des circonstances sociales et économiques peu favorables à une vie digne pour ces gens en état d’impuissance, démunis et dépourvus de tout.

Dans “Majadhib”, le motif de la réalisatrice est assez intéressant, sauf que la structure du documentaire s’avère peu convaincante. La misère est là, sans qu’on puisse vraiment déchiffrer le message que le film cherche vainement à transmettre.

Après ” Redayef 54 “, fiction réalisée par Ali Abidi (1997), de nombreux films, notamment après la révolution, ont abordé la thématique de “Redayef”, selon des approches assez distinctes, qui vont du documentaire cinématographique jusqu’au genre journalistique.