Une rencontre-hommage aux potières de Sejnane sur le thème “Femmes et savoir-faire ancestral” a été organisée, mardi 18 décembre, par le collectif “Sejnane : des trésors humains”, et ce à l’occasion de l’inscription, le 29 novembre 2018, par le Comité de sauvegarde du patrimoine culturel immatériel de l’Unesco du savoir-faire lié à la poterie des femmes de Sejnane sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité.

En présence des ministre des Affaires sociales, Mohamed Trabelsi, et du Tourisme et de l’Artisanat, René Trabelsi, les chercheurs Nozha Skik et Adnane Louhichi ont mis l’accent sur l’importance de l’inscription du savoir-faire des potières de Sejnane dans le patrimoine culturel immatériel de l’humanité et la nécessité de l’engagement de l’Etat à assurer à ces femmes disposant de ce savoir ancestral une meilleure qualité de vie.

Co-auteurs du livre paru dans les éditions Finzi “Les potières de Sejnane, des femmes et un savoir-faire”, Nozha Skik et Adnane Louhichi ont souligné que l’inscription du savoir-faire des femmes de Sejnane sur la liste de l’Unesco est une occasion pour la valorisation de cette région enclavée à travers le tourisme écologique et la création d’un musée autour de la poterie de Sejnane.

A ce sujet, l’ethno-anthropologue Nozha Sekik a mis l’accent sur la spécificité de la poterie de Sejnane, un savoir ancestral qui se perpétue depuis des générations et se caractérisant par la spécificité de l’ornement primitif et par une sa technicité “une poterie modelée faite entièrement à la main”, seule ressource pour la famille dans une région touchée par le chômage.

A cet égard, Nozha Skik a émis le souhait de voir l’inscription de la poterie de Sejnane sur la liste de l’Unesco un moyen pour l’Etat de dynamiser économiquement la région en créant des points de vente de poterie au sein du village et en assurant la protection de ce savoir-faire avec la création d’un label.

De son côté, l’archéologue Adnen Louhichi a évoqué dans son intervention l’influence berbère et primitive dans les motifs d’ornement de la poterie des femmes de Sejnane, soulignant que l’inscription au patrimoine de l’Unesco engage l’Etat à préserver ce savoir traditionnel plusieurs fois millénaire.

Pour Louhichi, l’engagement de l’Etat passe par la préservation de l’environnement naturel des potières afin qu’elles puissent toujours trouver leur matière première : l’argile.

L’Etat doit aussi assurer la recherche scientifique et la transmission des techniques ancestrales du savoir-faire en plus de la couverture sociale des femmes afin qu’elles puissent travailler aisément, indique-t-il.

Réalisé par Hatem Ben Miled, le documentaire “…D’ARGILE” a été projeté à cette occasion. A travers le portrait de la doyenne des potières, Jemaâ, âgée aujourd’hui de 79 ans, Ben Miled retrace, dans 26 minutes, le quotidien des femmes de Sejnane. A travers les étapes de modelage, l’ornement et le séchage des ustensiles de cuisines ou de décor, le spectateur prend conscience du travail rude et minutieux des femmes potières.

Au cours du débat, le réalisateur a tenu à mettre l’accent sur les dangers qui guettent la transmission des techniques ancestrales du savoir-faire des potières.

“La modernité et l’intégration de nouvelles techniques à l’instar du vernis ne doivent pas s’effectuer au détriment de l’authenticité” a expliqué le réalisateur en soulignant le rôle de l’Etat dans la protection de ce savoir.

Lors du débat, plusieurs intervenants issus de la société civile ont mis l’accent sur l’importance de garantir la couverture sociale des potières de Sejnane en plus d’intégrer l’apprentissage de la céramique à l’école pour une meilleure valorisation identitaire au sein de la région elle-même.

La création d’un musée autour de la céramique de Sejnane et d’un circuit éco-touristique incluant les régions voisines à l’instar de Cap Serat ou Sidi Mechreg ou encore la forêt de Sejnane, ont été aussi proposés comme des solutions pour une meilleure valorisation de ce savoir-faire ancestral.