La création d’un domaine public des oueds, la séparation des eaux pluviales des eaux usées, la multiplication et l’augmentation de la capacité des stations d’épuration et des décharges des agrégats, telles sont les principales recommandations proposées par Majdi Zribi, expert mandaté par les compagnies d’assurances pour l’évaluation des dégâts des intempéries du Cap Bon.

Une semaine après les inondations survenues dans cette région, lesquelles ont fait six morts et provoqué des dégâts matériels importants, l’heure est au bilan mais également, aux enseignements et mesures sérieuses qui doivent être adoptées pour éviter ce genre de catastrophes, dont l’intensité et la récurrence augmentent en raison des changements climatiques, assure cet expert fort d’une expérience de 12 ans en expertise.

Des mesures immédiates et d’autres à moyen terme sont nécessaires pour pallier les défaillances de l’infrastructure et favoriser la prévention des inondations, affirme Zribi, ingénieur de formation, cité par l’Agence TAP.

Parmi les solutions immédiates, il cite le curage des ouvrages hydrauliques et de toutes les conduites souterraines à l’intérieur des agglomérations ainsi que le curage des oueds dans les zones rurales et pas uniquement dans les villes, comme c’est le cas actuellement.

Pour cet expert, compte tenu de l’ampleur de la tâche, ce travail ne doit pas être confié aux municipalités mais au ministère de l’équipement, de l’habitat et de l’aménagement du territoire et même à l’armée s’il le faut.

L’Etat est, également, appelé à renforcer le contrôle des décharges des déchets de construction, qui contribuent largement à boucher les oueds et à multiplier ces dernières, dont l’accès doit être facile aux citoyens, tout en offrant des services de déchargements subventionnés, ajoute-t-il.

Créer un domaine public des oueds 

S’agissant des solutions à moyen terme, absolument nécessaires pour le sauvetage du pays et de ses villes, Zribi préconise la création dans les plus brefs délais d’un domaine public des oueds, soit un alignement urbain par rapport à l’axe des oueds, de plus de 25 mètres.

Les permis de bâtir ne doivent être accordés qu’à partir de cet alignement qui ne figure, actuellement, dans aucun texte de loi ou plan d’aménagement.

A cet effet, l’Etat doit procéder à l’expropriation pour le bien public de toutes les constructions qui se trouvent en faux par rapport à cet alignement. Cette solution nécessitera la mobilisation de fonds importants destinés aux dédommagements, reconnaît Zribi, mais elle constitue la seule alternative pour éviter les dégâts tant matériels qu’humains.

Parmi les mesures à moyen terme, figurent la séparation des eaux pluviales des eaux usées et la création de deux réseaux séparés dans tous le pays pour éviter l’encombrement.

Cette mesure proposée, pour la première fois, par l’urbaniste français Georges Haussmann a permis de résoudre les problèmes de la ville de Paris, à très long terme, rappelle-t-il. Il recommande de s’en inspirer, notant que le dévasement des barrages doit être fait dans des réseaux séparés menant jusqu’à la mer.

Actuellement, l’eau de dévasement qui est déversée dans la nature, se dirige vers l’axe de l’oued le plus proche, augmentant ainsi, la vitesse et le débit du flux des eaux qui attaquent les villes lors des intempéries.

L’expert recommande la création de bâches à eau (citernes) dans toutes les habitations avec un trop-plein pour le déchargement, en commençant par rendre cette mesure obligatoire, d’abord pour les hôteliers et les bâtiments industriels, d’autant que ce genre de construction pourrait permettre un gain d’énergie, d’éviter la perte de temps et l’encombrement des réseaux.

Il suggère, en outre, de multiplier les stations d’épuration et d’augmenter les capacités de celles qui sont en place à plus de 500 m3/h, de manière à déverser l’eau dans le réseau séparé et dédié aux eaux pluviales.

Ces stations doivent être dotées de groupes électrogènes pour continuer à fonctionner en cas de coupures d’électricité. Leur maintenance doit être effectuée une fois par an.

Zribi recommande aussi d’éloigner les zones industrielles des villes et de les doter d’un troisième réseau d’évacuation de l’eau, outre ceux des eaux usées et eaux pluviales. Le troisième doit être dédié aux déchets industriels et muni d’un système déshuileur.

Répondant à une question sur l’incapacité générale des infrastructures en Tunisie à supporter le flux des eaux, l’orateur estime que celles réalisées, jusque là, sont destinées davantage à promouvoir l’image de marque des villes auprès des touristes (grands giratoires, grands ponts, tunnels,) que pour sauver ces villes et les préparer aux grandes intempéries.

Quant à la mobilisation des investissements nécessaires à ces projets de grande envergure, Zribi note qu’il ne faut pas hésiter à faire appel aux grands bailleurs de fonds, tels que que la BAD, la BM et la BID, il y va de l’avenir du pays.