Signe de l’évolution des mentalités, la non-acceptabilité environnementale de certains grands projets miniers polluants est devenue une réalité. De plus en plus la société civile, forte de la légitimité que lui a donné le soulèvement du 14 janvier 2011, oppose un niet clair à tout projet qui pourrait menacer, à moyen ou à long terme, l’environnement et la santé des communautés jouxtant ces projets.

Pour preuve, une des motions ayant sanctionné le récent congrès de l’Union tunisienne de l’agriculture et de la pêche (UTAP), qui s’est tenu à Tozeur du 8 au 12 mai 2008, apporte un soutien indéfectible aux palmiculteurs de Nefta et de Tozeur qui, depuis des années, voyaient d’un mauvais œil l’ouverture d’un  gisement de phosphate au nord-ouest de Tozeur.

Portée du soutien de l’UTAP

Les Oasiens ne veulent pas voir leur écosystème se dégrader comme ce fut le cas dans les villes de Gafsa, Sfax, Skhira et Gabès dont les communautés ont souffert, des décennies durant, et souffrent encore de la pollution générée par l’extraction du phosphate et sa transformation (rejet du phosphogypse).

Les Oasiens s’inquiètent légitimement de connaître le même sort avec l’ouverture de ce gisement qui pourrait impacter négativement les palmeraies de la région (74 oasis sur 8.400 hectares), les établissements touristiques, deuxième ressource de la région après les dattes et l’emploi (plus de 20 mille personnes vivent de ses activités).

C’est Abdelmajid Zar, président de l’UTAP, qui confirmé la position de l’Union à ce sujet. Il a déclaré, à l’issue du congrès de l’UTAP, qu’une motion du congrès a été consacrée à “une question liée à l’environnement et à la pérennité de l’activité agricole dans le Jerid”. “Cette motion, a-t-il noté, fait état de l’opposition officielle de l’organisation au projet d’exploitation de la mine de phosphate du Jerid à cause de ses impacts négatifs prévisibles sur les oasis. La pérennité des oasis reste tributaire du respect des conditions environnementales”.

Il s’agit donc d’un appui très fort que les responsables de la Compagnie de phosphate de Gafsa en charge du projet et jusque là préoccupés uniquement de la rentabilité économique des mines, doivent, dorénavant, prendre en considération dans leurs études de faisabilité technico-économique des futurs gisements de phosphate.

La CPG doit s’adapter à cette non acceptabilité environnementale

Ces mêmes responsables avaient pourtant promis aux Oasiens un mode d’exploitation de ce gisement adapté à la spécificité de l’écosystème oasien. Ainsi, le transport du phosphate ne se fera ni par trains ni par camions c’est-à-dire à ciel ouvert, mais par le canal de pipeline, ce qui réduirait de manière significative l’impact négatif de la poussière dégagée par les travaux d’extraction sur les palmeraies.

C’est que le phosphate du gisement Tozeur Nefta dont les réserves sont estimés à 40 millions de tonnes (4 millions de tonnes par an) est enfoui à 10 mètres de profondeur sur une superficie de 4 hectares et à 13 kilomètres seulement à l’ouest de la ville de Tozeur. Pour l’extraire et l’exploiter à ciel ouvert, il faut creuser, creuser, creuser… avec comme corollaire l’enlèvement avec des engins bruyants de centaines de milliers de tonnes de sable et leur échappement dans l’air.  

Outre cette pollution aérienne, par l’effet de la poussière, les Oasiens craignent, également, la raréfaction des ressources en eau, car l’exploitation du phosphate est réputée pour être une activité hydrovore (lavage du phosphate et exploitation excessive des nappes phréatiques). C’est du moins à cause de la technologie humide qu’utilise, jusqu’ici, la CPG. En Algérie, les entreprises de phosphate utilisent la technologie sèche qui ne serait pas hydrovore mais plus coûteuse.

Ils aiment rappeler, à ce sujet, que Gafsa, avant d’avoir une vocation minière, était au départ une oasis prospère qui a disparu, petit à petit, par l’effet de la rareté de l’eau et de la pollution atmosphérique.

Au final, on ne peut s’empêcher de relever cette évolution des mentalités et de l’urgence pour les économistes de revoir sur de nouvelles bases et de nouvelles technologies l’extraction du phosphate, sa production et sa transformation, lequel produit demeure stratégique pour plusieurs décennies.