Le ministre de la Formation professionnelle et de l’Emploi, Fawzi Abderrahmane, n’a pas seulement inauguré à Jendouba le premier “Club de chercheurs d’emploi”, créé dans le cadre d’un pilote visant à promouvoir la qualité des prestations de services des structures de l’emploi. Il a fait une belle immersion lui permettant de mesurer le changement opéré chez les jeunes chercheurs d’emploi de cette région, notamment par l’impact direct des formations en «soft skills» et des accompagnements proposés par le programme JEMP mis en place spécifiquement.

Récit par Amel DJAIT

Jendouba, mardi 8 mai. 9h30 tapante, Fawzi Abderrahmane et l’ensemble de la délégation arrivent sous un chapiteau plein à craquer. Les représentants des organisations locales, des bailleurs de fonds, des experts et formateurs, l’équipe de l’OIT et les invités sont tous suspendus au souffle de Madame Nawel Marzouki, cheffe du projet JEMP, à la veille de son accouchement. Sa présentation du projet est claire, rythmée et pédagogique. Efficacité en a été le maître mot.

Accompagnement intensif pour une meilleure intégration

N’en doutons pas, le “Club chercheurs d’emploi“ est un outil complémentaire et innovant créé avec l’appui du Bureau international du travail (BIT) et de l’ambassade des Pays-Bas à Tunis.

Conçu pour renforcer le rôle des structures de l’emploi, ce «club pilote» propose aux bénéficiaires un accompagnement intensif pour une meilleure intégration et employabilité sur le marché du travail.

Suite à la présentation de la cheffe de projet, l’ensemble de la délégation va à l’essentiel : le terrain.

La visite s’articule autour de rencontres directes avec les protagonistes. Un dialogue franc, de plus de 2h30, s’installe avec les bénéficiaires du programme JEMP, autour de propositions, contre-propositions, revendications, doléances et protestations. Le tout dans le respect et dans l’écoute et avec la ferme volonté d’amorcer un vrai début de changement face au chômage qui pénalise une large partie de la jeunesse du pays.

Ce 1er Club de chercheurs d’emploi est un espace ouvert et attrayant qui dispose des outils nécessaires pour accueillir, informer, former et accompagner ces jeunes à la recherche d’emploi. La salle principale de formation du Club est pleine à craquer de jeunes femmes. Toutes aussi souriantes que surprenantes. Toutes aussi engagées qu’intéressées en demande.

Des témoignages instructifs…

Premier témoignage, Zohra : «Quoi vous dire Mr le ministre, vous savez quand j’ai fini ma formation en soft skills, j’ai fini par comprendre pourquoi je n’ai pas trouvé de travail pendant 11 ans. Ce que j’ai appris ici, on ne me l’a jamais dit ! Pourquoi à l’école on ne nous dit pas tout cela ! Ici, dans ma région, nous vivons en marge du temps ! Je n’ai réalisé que nous étions en 2018 que ces derniers jours».

Même son de cloche chez Alia : «Le fait d’être en groupe nous permet d’échanger, de mutualiser nos efforts, d’imaginer des projets y compris dans l’Économie sociale et solidaire. D’ailleurs, les Clubs de recherche d’emploi sont conçus entre autres pour cela. La majorité des opportunités d’emplois se font de bouche à oreille, sous cape, par affinités ou opportunités. De fait, elles se trouvent dans les circuits informels. Quand nous sommes en groupe, les uns alertent les autres sur une récente demande ou sur un profil précis recherché. Par la dynamique de groupe qui s’installe, un autre état d’esprit jaillit. De passifs, nous devenons acteurs et créons nous-mêmes des opportunités certaines».

Liberté de la parole et écoute…

Dans la salle, la parole est libre. Et l’écoute attentive. Le ministre Fawzi Abderrahmane, le directeur de l’OIT pour les pays du Maghreb, Mohamed Ali Deyahi, et le chargé d’affaires à l’ambassade du Royaume des Pays-Bas, Hans van Nieuwkerk, se concertent. Ils mesurent non seulement le degré de maturité que portent les jeunes sur eux-mêmes mais aussi sur les politiques d’Etat en matière de formations et d’accompagnement, de disparités régionales, de circulation de l’information, mais aussi sur l’accès aux financements.

Une consultante qui accompagne le projet depuis son début discute avec une des expertes en aparté. Toutes les deux sont émues : «Je suis heureuse de voir le changement. Je trouve l’ensemble des participants au projet plus équilibrés et matures. Je me souviens particulièrement de telle et telle jeunes femmes. Leur colère était si énorme qu’elle ne leur permettait ni de s’exprimer ni de formuler une demande claire. Leur propre émotion les empêchait de comprendre où elles en étaient et ne pouvaient donc pas s’en sortir. Il est clair qu’un changement s’opère aussi bien chez les jeunes chercheurs d’emploi que dans l’administration qui se met enfin à regarder le jeune différemment, de façon plus humaine et respectueuse».

Et c’est d’ailleurs avec beaucoup d’humanisme que l’équipe du projet prend en considération les commentaires des jeunes chercheurs d’emploi, car ils ont appris à remercier autant que critiquer et proposer.

Et aujourd’hui, s’ils reconnaissent que téléphoner à partir du Club de chercheur d’emploi et se présenter en tant que bénéficiaire du programme JEMP, ils atteignent les directions des ressources humaines des entreprises, font arriver leur CV à bon port, passent des entretiens…  Cependant, la majorité estime qu’il faut encore plus d’efforts de la part de l’administration et du programme pour la communication, la mise en relation avec le monde entrepreneurial en mouvement…

La généralisation du club pilote s’impose

Au terme d’une matinée chargée par la découverte des offres de service des différentes composantes du projet en termes de process et d’outils, tant pour le coaching en soft skills que pour l’éducation financière, il devient quasi évident que généraliser ce club pilote à d’autres régions du pays s’impose.

D’ailleurs, selon le ministre, le “Club de chercheurs d’emploi”, qui sera généralisé aux autres régions du pays, constitue l’un des principaux mécanismes capables de former et d’accompagner les chercheurs d’emploi afin de les aider à concrétiser leurs projets d’entreprise, à trouver des emplois, à s’engager dans des nouveaux modèles comme l’Economie sociale et solidaire (ESS) et de se positionner sur le marché de l’emploi à l’international.

Déjà du concret…

Quelques semaines plus tard, l’effervescence ne retombe pas. Des couloirs aux salles de réunions du bureau de l’emploi, les lieux fréquentés se transposent sur les réseaux sociaux. Ainsi, la page Facebook du programme devient un forum pour les bénéficiaires du programme JEMP qui continuent à chercher de l’emploi et à échanger des informations.

La page est aussi une vitrine pour exposer les premiers pas de la création de petites entreprises. L’initiative qui retient l’attention aujourd’hui est celle de Sarrah et Brahim et leur «Pâtisserie Prestige Dahmani» qui travaille uniquement sur commande et fournit les régions de Dahmani et des Ksours. Le succès, s’il ne fait pas encore des émules, donne envie et peut s’avérer contagieux.

La proximité et l’instantanéité du net sont un accélérateur à plus de communication et d’exemplarité. A l’heure où la jeunesse tunisienne est largement ballottée entre espoirs et désespoirs, cette dynamique est porteuse. Nul doute que, pour beaucoup, elle saura être bénéfique !