Au regard de la ferme volonté qui s’y est exprimée pour la promotion des énergies propres et renouvelables, le séminaire organisé le 15 mai 2018 sur “le financement des énergies renouvelables” a créé l’événement en ce sens où il a consacré une nette rupture avec l’ère des adeptes des énergies fossiles qui ont régné sur le secteur de l’énergie, depuis l’accès du pays à l’indépendance.

Point d’orgue de ce séminaire organisé par le ministère de l’Energie, des Mines et des Energies renouvelables en partenariat avec la Caisse des dépôts et de consignations (CDC) et l’Agence de promotion de l’investissement et de l’innovation (APII),  l’affirmation de l’engagement des trois principaux acteurs du secteur de l’énergie (la CDC -pour le financement-, l’Entreprise tunisienne des activités pétrolières “ETAP“ -pour la production- et la STEG -pour la distribution) à s’impliquer totalement dans cette transition énergétique.

Cette migration vers les énergies propres et renouvelables, pour peu qu’elle soit bien menée et bien encadrée est à même de garantir l’indépendance énergétique du pays. C’est donc un enjeu de taille.

1.000 mégawatts à partir des énergies vertes

Le ministre de l’Energie, Khaled Kaddour, a annoncé au cours de cette rencontre que son département avait lancé, le 11 mai 2018, un appel d’offres international de pré-qualification pour le financement à hauteur de 3 milliards de dinars de projets, d’une capacité globale de production de 1.000 MW sur un total de 1.500 mégawatts prévus pour 2020, dans le cadre du 13ème plan de développement (2016-2020).

“C’est la première fois que la Tunisie lance des projets de cette envergure”, a-t-il dit.

Dans le détail, il s’agit de la réalisation, dans le cadre du partenariat public-privé (PPP) d’un projet de production de 800 mégawatts d’électricité à partir des énergies renouvelables (solaire et éolienne), moyennant un investissement de 2,4 milliards de dinars. Cette enveloppe permettra de financer des fermes solaires et éoliennes dans les régions de Kairouan, Tozeur, Kébili, Tataouine et Sidi Bouzid.

Les 210 mégawatts restants ont fait l’objet d’un appel d’offres lancé en novembre 2017, pour la réalisation d’un projet moins ambitieux dans le cadre du “régime d’autorisations” qualifié par les experts “d’étape d’apprentissage”. Il s’agit de réaliser dix projets d’une capacité globale de 200 mégawatts d’électricité à partir des énergies vertes. Ce sont des petits projets d’une capacité maximale de 30 mégawatts pour chaque projet éolien et de 10 mégawatts pour le solaire.

La mobilisation de financements, bien qu’elle ne pose pas grand problème dans la mesure où pratiquement tous les bailleurs de fonds engagés dans la lutte contre le réchauffement climatique (COP21) sont disposés à financer de tels projets, va cependant demander du temps.

Cette période va permettre surtout à la STEG, du moins selon son PDG, Moncef Harrabi, de se préparer et de mettre en place la logistique requise pour l’intégration, dans son réseau de distribution, l’électricité produite à partir des énergies renouvelables.

Les énergies propres pour relayer le pétrole

D’ici là, sous la pression de l’aggravation du déficit de la balance énergétique par l’effet de la flambée du cours du prix baril de pétrole -lequel atteint aujourd’hui les 78 dollars contre des prévisions budgétaires calculées sur la base de 54 dollars le baril-, les Tunisiens motorisés vont devoir accepter de nouvelles augmentations du prix du carburant, au moins jusqu’à la fin de l’année.

La situation devrait s’améliorer à partir du premier trimestre 2019, à la faveur de l’entrée en production d’un gros projet gazier, le projet Nawara dénommé aussi “Gaz du Sud“.

La nouvelle a été annoncée, au cours de ce séminaire, par Mohamed Matoussi, PDG de l’ETAP, qui a indiqué que le degré d’avancement des travaux de réalisation de ce projet a atteint les 90%. Il ajouté que ce gisement va assurer 17% des besoins du pays en gaz naturel en produisant 2,7 millions de mètres cubes de gaz par jour et 7.000 barils de gaz condensé.

Estimé à 3 milliards de dinars environ, le coût de ce projet dont l’ETAP est copropriétaire (50%) est financé par des banques locales et par trois bailleurs de fonds (BEI, BAD, AFD) à hauteur de 400 millions de dollars.

Mohamed Matoussi a annoncé, en outre, la mise en exploitation, d’ici 2020, du gisement de gaz offshore Zarrat au large de Gabès. Ce gisement, qui produira 15.000 de barils de gaz condensé par jour et dont l’ETAP est copropriétaire à hauteur de 50%, coûtera 1,2 milliard de dollars. Ce montant sera assuré par des banques locales et par des bailleurs de fonds à hauteur de 400 millions de dollars.

L’ETAP se met au goût des énergies vertes

Cerise sur le gâteau, le PDG de l’ETAP rompt avec ses prédécesseurs qui étaient des partisans des énergies fossiles et annonce que son entreprise s’apprête à lancer, en partenariat public-privé, quatre projets d’énergies vertes : trois projets de fermes solaires (l’un avec la multinationale italienne ENI et les deux autres à son initiative au sud). Elle projette aussi de réaliser un projet éolien dont le site n’a pas encore été identifié. Il sera probablement lancé soit au nord-ouest, soit à Tataouine.

Cela pour dire que les responsables du secteur de l’énergie, en s’engageant ainsi dans la migration vers les énergies propres et renouvelables, donnent la preuve que la Tunisie est sur la bonne voie pour réaliser son indépendance énergétique et épargner ainsi aux Tunisiens l’angoisse de dépendre des aléas du marché international.