L’usine italienne de production d’huile de grignons d’olive, détenue par la compagnie “Agrind Tunisina”, société italienne totalement exportatrice, installée à Kerker, dans le gouvernorat de Mahdia, en 2012, se prépare à se remettre en activité.

Fermée en 2016 pour non respect des normes environnementales, elle aurait obtenu en décembre dernier un permis provisoire de 6 mois, directement de la part du ministre de l’Industrie, d’après une enquête publiée par le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES).

L’auteur de l’enquête, Marco Jonville, souligne par ailleurs que “les habitants, mobilisés depuis le début du projet ayant subi les conséquences environnementales et sanitaires pendant les 2 ans de fonctionnement de l’usine, ne baissent pas les bras”.

Selon Maître Ben Rejeb, avocat des habitants, “cette autorisation poursuit la politique d’impunité et de non-respect du droit : ni le traitement des eaux usées ni des mesures de réduction de la pollution n’ont été effectuées, et le cahier des charges du ministère de l’Industrie n’est toujours pas respecté. On assiste donc même à une contradiction entre la direction du ministère et ses services. De plus, la validité de l’autorisation elle-même est contestée par les habitants. En effet, une autorisation ne saurait être provisoire dans ce genre de cas. Elle se doit d’être définitive, après le respect du cahier des charges du ministère de l’Industrie et vérification que les conditions demandées par l’ANPE sont remplies, autorisation de la part des ministères de l’Industrie et de l’Environnement, et approbation de la municipalité. Cette dernière a indiqué en octobre dernier que le dossier était rouvert, mais sans donner son autorisation”.

“Cette affaire est révélatrice de l’impunité dont peuvent faire preuve les entreprises étrangères qui s’installent en Tunisie. Alors qu’elles bénéficient déjà d’avantages fiscaux sous le régime offshore, elles délocalisent leurs activités car elles ne respectent plus les normes environnementales dans leurs pays et veulent profiter de bas salaires. Ce faisant, elles ne comptent absolument pas respecter les droits des habitants à un environnement sain, mettant en danger leurs moyens d’existence et leur santé”, lit-on encore dans cette enquête.

Une installation sans respect des lois et des normes environnementales

Cette enquête rappelle également que “cette entreprise italienne s’est installée sans respecter le droit des habitants à un environnement sain, alors que cela avait été pointé du doigt depuis l’ouverture de l’usine en 2014, par l’Agence nationale pour la protection de l’environnement (ANPE). En juillet 2017, l’ANPE rappelle non moins de 9 conditions pour que l’usine puisse reprendre son activité, et notamment la création d’une station d’épuration industrielle, des mesures de restriction de la pollution et l’isolation des déchets. Des conditions qui ne sont toujours pas remplies selon l’avocat des habitants. L’entreprise n’a pas respecté, non plus, le droit foncier. Elle s’est installée trop proche d’une piste agricole et de la route, en construisant son enceinte autour des poteaux électriques”.

“Une pétition contre l’installation de l’usine a été signée par les habitants de Kerker et transmise aux autorités locales et judiciaires dès fin 2014, ce qui a permis de les alerter sur la situation et de faire pression pour qu’elles agissent. Un accord avait été signé entre l’association “Mes compétences” qui représente les citoyens, la municipalité et l’usine, et prévoyait un arrêt de la pollution. Cependant, selon les habitants cet accord n’a pas été respecté et l’activité de l’usine avait continué de manière inchangée”, précise encore l’enquête.

“L’action continue des habitants a finalement poussé le Ministère de l’Industrie à ordonner l’arrêt de l’usine suite à une mission sur place, conjointe avec l’ANPE en 2016. Toutefois, les problèmes ont tout de même perduré. Le matériel et les déchets ont été laissés sur place, et ont continué de se diffuser dans les alentours, toujours sans aucune mesure de protection”, souligne cette enquête.

Réagissant à la décision du ministre de l’Industrie, d’octroyer un permis provisoire de 6 mois à cette usine, lui permettant ainsi de reprendre son activité, le Forum tunisien pour les droits économiques a rappelé la nécessité, pour les entreprises nationales et étrangères, de respecter les normes environnementales pour préserver la santé des citoyens, l’environnement et les ressources naturelles, conformément aux principes de la Constitution.