La contribution économique de la femme dans le milieu rural est reconnue socialement mais n’est pas toujours comptabilisée financièrement, alors que dans le secteur de l’artisanat, où l’emploi est assuré à 70% par des femmes de ce milieu, des opportunités d’autonomisation existent pour cette catégorie, outre les niches de croissance qu’il offre pour l’économie tunisienne.

C’est ce qui ressort des interventions des responsables tunisiens et étrangers réunis mercredi 6 décembre, dans le cadre d’une conférence organisée par l’UTICA en collaboration avec l’Organisation internationale du travail (OIT) sur le thème “l’autonomisation des femmes artisanes dans le milieu rural : atouts pour l’économie et opportunités d’emplois décents”.

La présidente de l’UTICA, Wided Bouchamaoui, s’est interrogée sur les raisons de la persistance des problèmes entravant le développement et l’organisation des activités des femmes, en dépit de la multiplicité des programmes et des démarches entreprises dans ce domaine.

Parmi ces problèmes figurent les difficultés d’accès aux financement et aux marchés et le manque de formation professionnelle adaptée ainsi que l’analphabétisme.

La présidente de l’organisation patronale a noté que l’artisanat recèle des niches importantes pour le développement de l’économie tunisienne. Il est temps de capitaliser le savoir-faire des artisanes tunisiennes, a-t-elle dit, exprimant la disposition de l’UTICA à apporter une plus grande assistance aux femmes dans ce domaine, à travers ses différentes structures.

Pour Mohamed Ali Deyahi, directeur du Bureau de l’OIT pour le Maghreb, l’organisation de cette conférence s’inscrit dans la mise en œuvre du Programme pays pour le travail décent en Tunisie pour la période 2017/2022, objet d’un mémorandum conclu en juin 2017 entre l’OIT, le gouvernement, l’UGTT et l’UTICA. Il a ajouté que la question de l’égalité des opportunités économiques entre hommes et femmes, notamment dans les zones défavorisées, est inscrite dans ce programme. Elle s’inscrit également dans le cadre de l’application du programme de développement durable pour 2030, qui a réaffirmé le consensus universel sur l’importance cruciale de l’égalité entre hommes et femmes et de sa contribution à la réalisation des 17 objectifs de développement durable (ODD).

Selon l’OIT, les femmes représentent 50,4% de la population rurale en Tunisie mais 5% seulement, d’entre elles, parviennent à maintenir leurs moyens de subsistance contre 55,9% des hommes, a affirmé Deyahi, faisant remarquer qu’environ 500 mille femmes, soit 80% des femmes rurales, travaillent dans les secteurs de l’agriculture et de l’artisanat en tant que travailleuses. Leur travail est peu rémunéré ou non comptabilisé, ce qui laisse ces femmes dans une situation de forte dépendance économique, a-t-il dit.

Une évaluation de l’environnement des affaires pour les femmes en Tunisie, lancée en 2015, entre le bureau de l’OIT et la Chambre nationale des femmes cheffes d’entreprises, relevant de l’UTICA, a montré selon ses propos, que les femmes qui représentent les 2/3 des diplômés de l’enseignement, ne représentent que 26% de la population active contre 70% pour les hommes. Les femmes sont particulièrement frappées par le chômage dont le taux atteint les 22% parmi elles, contre 13% pour les hommes.

Selon le rapport, publié en Juin 2017, par le Bureau international du travail (BIT), sur les tendances de l’emploi des femmes “, les écarts en matière d’emploi entre les hommes et les femmes sont plus importants dans les pays arabes, en Afrique du nord et en Asie de sud où le taux d’activité des femmes est estimé à 30% contre une moyenne mondiale de 49%.

“Si l’objectif d’égalité d’opportunités économiques était atteint à l’échelle mondiale, il pourrait injecter 5.800 milliards de dollars (14.451 milliards de dinars) dans l’économie mondiale et augmenter les recettes fiscales dans le monde de 1.500 milliards de dollars” (3.740 milliards dinars), a-t-il encore dit, affirmant que les pays qui ont restructuré leurs économies sont ceux qui ont su valorisé les valeurs productives de leurs artisanats, tels que l’Italie ou l’Allemagne.

Le coordinateur résident des Nations unies en Tunisie, Diego Zorilla, a, pour sa part, mis l’accent sur l’importance d’une politique claire de soutien à la femme rurale, notant que le pays doit bénéficier de l’appui des autres pays dans ce domaine.

D’après l’Office national de l’artisanat (ONA), 150 projets artisanaux sont crées annuellement par des femmes, lesquelles représentent 70% des artisans. Le coût du projet dans ce domaine est estimé à 7 mille dinars.

Plusieurs représentants du corps diplomatique accrédités à Tunis ont assisté à cette conférence qui traite notamment, d’une nouvelle approche pour les femmes artisanes, de l’investissement dans l’économie sociale et solidaire et des expériences d’autres pays dans ce domaine, notamment le Maroc.