“La Banque centrale de Tunisie a entrepris, depuis l’année 2016, une action de revue de la réglementation de change en vue d’assouplir certaines procédures, d’apaiser la contrainte de change sur les opérateurs économiques aussi bien résidents que non-résidents et d’instaurer un cadre privilégiant la libre mobilité du capital”, a indiqué, mercredi, le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (BCT), Chedly Ayari.

Ayari a, dans ce sens, évoqué “l’adoption imminente d’une série de mesures en faveur des opérateurs économiques non-résidents “.

“Il s’agit notamment de la digitalisation de la fiche d’investissement permettant à un investisseur non-résident de s’auto-déclarer et d’établir lui-même sa fiche d’investissement qui sera validée par l’intermédiaire agréé domiciliataire de son dossier d’investissement, la reconversion des avances en comptes courants accordées par des non-résidents en devises en augmentation de capital, le règlement à l’étranger du prix de cessions de parts d’actions entre étrangers non-résidents, l’accès des sociétés non-résidentes aux financements leasing pour l’acquisition d’équipements nécessaires à la production et des matériels roulants” , a-t-il précisé, lors d’un workshop sur les problématiques du transfert organisé par la Chambre tuniso-française de commerce et d’industrie (CTFCI).

Le gouverneur de la Banque centrale a, cependant, souligné que “la Tunisie a privilégié une démarche graduelle de libéralisation vue l’absence des conditions préalables nécessaires pour aller dans une libéralisation totale des relations financières avec l’étranger, conditions tenant notamment aux pré-requis en termes de fondamentaux macro-économiques, à un système financier robuste et résilient, à un niveau de réserves en devises adéquat”.

la Tunisie vaut la peine d’être jouée comme risque

S’adressant aux investisseurs étrangers présents, il a souligné que “la Tunisie vaut la peine d’être jouée comme risque. On ne vous demande pas d’assumer le risque sécuritaire qui reste de notre responsabilité, mais il faut que vous assumiez au moins le risque commercial et économique. Si vous n’êtes pas en mesure de le faire c’est que vous n’êtes pas des investisseurs mais des placeurs d’argent”.

Ayari invite les investisseurs étrangers à repenser leurs modèles d’investissements pour privilégier les investissements à haut contenu technologique et à haute valeur ajoutée et sortir du modèle de la sous-traitance et des investissements à bas coûts qui ont fait leur temps.

La convertibilité du dinar n’est pas possible aujourd’hui, au vu du niveau des réserves en devises qui ne donne pas cette latitude de sécurité permettant d’aller dans ce sens et un système économique qui ne retrouve encore pas son souffle

Interrogé au sujet de la convertibilité du dinar, il a fait savoir que “cette convertibilité est un objectif qui figure depuis longtemps dans l’agenda de la politique monétaire du pays mais qui tarde à venir car la macro-économie n’est pas encore favorable à un tel pas, avec un niveau des réserves en devises qui ne donne pas cette latitude de sécurité permettant d’aller dans ce sens et un système économique qui ne retrouve encore pas son souffle “.

Et d’estimer “qu’il ne faut pas faire de la convertibilité un élément fondamental et déterminant de l’avenir économique du pays, du moins pour le court terme”, ajoutant “qu’il s’agit d’une décision souveraine qui ne relève pas des prérogatives de la BCT et qui ne doit être prise que lorsque le contexte économique général lui sera favorable”.

une loi sur l’amnistie de change a été transmise à l’ARP

S’agissant de la parité du dinar qui constitue un sujet de préoccupation majeur, il a souligné que “l’ouverture de l’économie tunisienne l’expose davantage aux chocs exogènes qui se reflètent entre autres sur sa monnaie. Le dinar subit les fortes volatilités monétaires des deux monnaies auxquelles il est extrêmement lié (le dollar et l’euro) mais sur lesquelles il n’a aucune prise”.

Sur un autre plan, Ayari a fait savoir qu’une loi sur l’amnistie de change a été transmise à l’ARP qui, seule, peut décider du timing de sa discussion.

Au sujet du retard accusé par la Tunisie en matière de nouvelles technologies de paiement, Ayari a souligné qu’une commission mise en place au sein de la BCT se penche actuellement sur l’intégration des nouveaux moyens de paiement, faisant savoir que “la Tunisie abritera, sur proposition française, un sommet africain sur le blockchain (technologie de stockage et de transformation des données), ce qui constituera une occasion importante pour appréhender les possibilités d’intégration de cette technologie”.

PayPal voulait que tout ressortissant tunisien ait la possibilité d’avoir un compte en devises à l’étranger

Quant au refus de la société PayPal (service de paiement en ligne) de la demande de la Tunisie pour l’accès à ses services, il a indiqué que “la condition imposée par cette société de permettre à tout tunisien d’avoir un compte en devises à l’étranger est contraire à la réglementation de change, ce qui a sapé toute chance de parvenir à un accord sur ce point. Ceci outre le fait, que cette société avait aussi imposé le monopole d’un groupe bancaire déterminé sur l’opération, condition qui ne peut pas être acceptée par la Tunisie”.

Le trend de la croissance qui commence à s’installer ne doit pas être inversé et les indicateurs verts qui commencent à émerger ne doivent virer ni au jaune ni au rouge

Sur le plan macro-économique, le gouverneur de la Banque centrale a estimé que “la Tunisie de deux années encore pour boucler sa transition. Mais durant ces deux années le pays a besoin d’une stabilité totale, car tout changement brutal pourrait bouleverser la fin de cette transition. Le trend de la croissance qui commence à s’installer ne doit pas être inversé et les indicateurs verts qui commencent à émerger ne doivent virer ni au jaune ni au rouge”.

“Si nous arrivions à faire 2,2% de croissance en 2017, cela ne va pas résoudre tous les maux du pays mais permettra du moins de placer la Tunisie sur une orbite irréversible de croissance”a-t-il soutenu.