Plus ou moins oubliée depuis plus de deux ans, la question de l’instauration du contrôle parlementaire des forces porteuses d’armes revient dans le débat national. Après l’Assemblée nationale constituante (ANC), qui n’a rien pu faire dans ce domaine en près de trois ans d’existence, l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) s’implique dans cet épineux dossier qui n’a guère progressé en cinq ans. 

Mardi 4 avril 2017, la Commission de la sécurité et de la défense, présidée par Abdellatif El Mekki, député d’Ennahdha, y a, pour la première fois en deux ans et demi d’existence, consacré une réunion durant laquelle elle a auditionné cinq officiers supérieurs à la retraite.

Il s’agit en l’occurrence des généraux Mohamed Salah Hamdi (ex-chef d’Etat-major de l’armée de terre), Mohamed Meddeb (ex-directeur de la sûreté militaire puis directeur général de la Douane), Abderrahmane Belhaj Ali (ex-directeur de la sécurité présidentielle avant le 14 janvier 2011 puis directeur général de la sûreté nationale), le colonel major Mokhtar Ben Nasr (ex-porte-parole du ministère de la Défense) et Mounir Ksiksi (ancien commandant de la Garde nationale).

Détail –important- qui témoigne de la sensibilité de ce dossier, des membres de la commission ont proposé dès le début que l’audition se déroule à huis clos. Les cinq officiers ayant clairement expliqué qu’ils ne parleraient pas de la même manière selon que la réunion est publique ou pas, le huis clos a fini par être voté.

Lors de ce que le président de la Commission a appelé un «brain storming», les députés ont voulu, ainsi que l’a expliqué Abdellatif Mekki, recueillir l’avis de ces militaires sur la meilleure manière d’exercer le contrôle démocratique sur les forces armées et de sécurité, la pertinence ou non de dédier une commission spéciale pour le contrôle des services de renseignement, la réduction des «éventuelles» interférence du politique dans les nominations au sein de l’armée, la situation matérielle des militaires, la mise en place d’un mécanisme permettant à ces derniers de faire part de leurs doléances concernant par exemple la légalité de certains ordres, et, enfin, sur la manière dont l’Etat peut continuer à tirer profit des compétences des militaires retraités.

Bref, la Commission de la sécurité et de la défense cherche un moyen de sortir de l’impasse dans laquelle se trouve ce dossier depuis cinq ans.

De fait, ce débat sur la place et le rôle des forces armées et de sécurité en Tunisie et leurs relations avec les institutions étatiques, notamment démocratiquement élues, a été lancé quelques semaines seulement après la chute du régime Ben Ali.

L’initiative en revient au Centre pour le contrôle démocratique des forces armées –Genève (DCAF)- qui, en février 2011, a offert son expertise au gouvernement de transition qui l’a accepté et a adhéré en juillet 2011 au Conseil de fondation du DCAF, devenant ainsi son soixantième Etat-membre.

Dans la foulée, DCAF a ouvert un bureau à Tunis en octobre de la même année et conclu des accords portant sur des programmes d’assistance avec divers ministères (Intérieur, Justice et Défense afin de renforcer la bonne gouvernance des forces armées, de la police et des forces de sécurité.

Durant le règne de la Troïka, beaucoup de réunions ont été consacrées à ce sujet sans que le principe du contrôle démocratique des forces armées et de sécurité puisse être concrétisé. Un blocage imputable à la réticence des forces concernées à s’y soumettre, au motif de l’ignorance par les députés des questions militaires et sécuritaires.

La preuve en est qu’en décembre 2015, le ministre de l’Intérieur de l’époque, Najem Gharsalli, a ignoré une question du député Imed Khemiri (Ennahdha), au sujet de la mise en œuvre du contrôle parlementaire des institutions sécuritaires, qui, selon lui, «sont connues pour être fermées sur elles-mêmes et doivent s’ouvrir aux commissions (de l’ARP) chargées de ce dossier».

Aussi, DCAF et le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) –qui s’est également impliqué dans cette affaire- ont-ils, après les élections présidentielles et législatives de 2014, organisé de nombreux ateliers et tables rondes destinées à préparer un environnement propice à la mise en place du contrôle parlementaire des forces armées et de sécurité notamment en familiarisant les députés avec ses prérequis, exigences et modalités. Ce qui leur permet aujourd’hui de revenir à la charge sur ce dossier.