Tunisie – Nouveau gouvernement : La politique surplomberait-elle la technocratie?

hbib-said-gouvernemnt-2015-tunisie.jpgUn gouvernement plus politique avec une présence renforcée de Nidaa Tounes, de l’UPL, un deuxième ministre nahdhaoui et un conseiller, Najmeddine El Hamrouni, un illuminé, dit-on, auprès du chef du gouvernement également issu du parti islamiste.

Le remaniement ministériel n’est plus un suspense, il a été enfin fait et comme d’habitude n’a pas satisfait nombre de Tunisiens qui s’attendaient à mieux.

Mais comme le mentionne notre confrère Raouf Berrejeb, nous avons assisté à l’attribution de trois portefeuilles régaliens et c’est déjà ça. A la tête du ministère de la Justice, éreinté depuis 5 ans, beaucoup plus qu’il ne l’était auparavant, Amor Ben Mansour, un grand monsieur, paraît-il, un juge réputé pour sa probité, son intégrité et son grand pouvoir décisionnel. Son passage à l’Ariana en tant que gouverneur a permis en deux temps trois mouvements d’éradiquer les étals anarchiques. La police municipale en a été impressionnée!

Le ministre de l’Intérieur est un pur produit de la boîte. Promu de chef de cabinet du temps de la Troïka à celui de ministre de l’Intérieur, en passant par la mission de secrétaire d’Etat chargé des Collectivités locales, c’est le parfait apparatchik. Aujourd’hui que Youssef Chahed, qui a mené les négociations des 13 à Nidaa Tounes est nommé ministre chargé des Collectivités locales, son ministère est amputé d’une partie importante de ses prérogatives.

Au ministère des Affaires étrangères, Khémaies Jhinaoui, diplomate confirmé, selon certains, et ancien ambassadeur à Londres et à Moscou, s’est retrouvé rapidement de conseiller diplomatique du président de la République au poste de «maître» de la diplomatie tunisienne. Sa tâche est lourde et l’on se doute bien qu’il sera suivi de très près par BCE car il s’agit de repositionner la Tunisie sur l’échiquier diplomatique international et de jouer un rôle plus important dans le renforcement de la diplomatie économique, sécuritaire et culturelle du pays.

Mongi Marzouk, polytechnicien qui n’a pas fait beaucoup de vagues en tant que ministre des Technologies de l’information et de la communication du temps de la Troïka, est nommé ministre de l’Energie et des Mines. On s’attendait au regroupement des ministères, on se retrouve devant au moins deux ministères scindés en deux. Espérons que M. Marzouk, qui est ingénieur, titulaire d’un doctorat en RDH en communication et informations, veillera à une meilleure gouvernance du secteur énergétique qui n’est pas des plus transparents dans notre pays, qui souffre depuis 2011 et où les enjeux sont très importants.

Nidaa Tounes renforce ses rangs par la nomination de Anis Ghdira comme ministre du Transport, un secteur tout aussi important que celui de l’Energie, transversal, et qui s’est dégradé à vue d’œil avec des sociétés publiques au bord de la faillite, une compagnie aérienne en grandes difficultés et des compagnies aéroportuaires et portuaires en mal d’une meilleure gestion et gouvernance. La tâche ne sera pas facile.

Khaled Chouquet, ministre nidaïste, pourrait désormais exprimer sa verve verbale en tant que porte-parole du gouvernement ajouté à son autre mission, celle de ministre chargé des Relations avec le Parlement.

Une bonne nouvelle, la nomination de Kamel Ayadi en tant que ministre de la Fonction publique, de la Gouvernance et de la Lutte contre la corruption. Pour la petite histoire, ce monsieur, qui avait occupé le poste de secrétaire d’Etat au ministère de l’Equipement du temps de Ben Ali, avit été limogé lorsqu’il a refusé de céder à la pression des Trabelsi au sujet de la cession de terrains domaniaux au lac 2 et aux Jardins de Carthage. Il a même été arrêté pendant 15 jours et l’instruction a démontré son intégrité.

Sonia M’barek, directrice du Festival de Carthage, a été promue ministre de la Culture. Espérons qu’elle ne nommera pas Kafon, conseiller chargé de la musique «jeune» et vulgaire à souhait, n’en déplaise à beaucoup, après lui avoir permis de donner en spectacle le théâtre de Carthage!

Le parti UPL a consolidé sa place au gouvernement par la nomination de Mohsen Hassen en tant que ministre du Commerce, un ministre contesté par une grande partie de l’opinion publique mais appuyé fortement par Slim Riahi.

Quant à Afek Tounes, son quota n’a pas bougé d’un iota.

Concernant les ministres écartés (Othmane Battikh, désormais ancien ministre des Affaires religieuses remplacé par Mohamed Khélil, zeitounien et universitaire, et Najem El Gharsalli, MI), leurs limogeages ont été assez mal perçus par l’opinion publique et même par un grand nombre de députés Nidaa qui y auraient vu une concession faite au parti Ennahdha qui n’aurait pas pardonné au premier d’avoir écarté les imams extrémistes prônant le djihadisme et au deuxième de ne pas avoir cédé aux pressions des islamistes.

Toutefois, fait marquant, avec la disparition des secrétaires d’Etat, le poste de Majdoline Cherni, chargée des martyrs, a disparu, est-ce une manière de dire que ce dossier est clos et qu’il pourrait relever des prérogatives du ministère des Affaires sociales par exemple?

La boucle du soulèvement-révolution serait-elle en train d’être bouclée?

Wait and see!