L’histoire commence avec le projet d’un père et la passion d’un fils pour le cheval. Leur rêve commun tourne autour de leur région et l’ont entamé bien avant le 14 janvier 2011, et surtout bien avant que le Mont Chaambi ne soit classé “zone militaire Fermée“.
Aujourd’hui, c’est le gouvernorat de Kasserine qui, dans sa totalité, est perçu comme étant l’un des plus dangereux du pays. Pourtant, dans un nouveau centre thermal et touristique, inauguré en 2015, la vie y est douce et la clientèle afflue.
«Vous rendez-vous seulement compte que nous sommes situés entre les monts Chaambi, Semana et Selloum? Tous les jours entre 100 à 400 personnes les week-ends et les jours de pic, les curistes affluent vers la station thermale pour faire des soins, des massages et plonger dans les eaux bienfaitrices de la source. Et je ne mentionne pas la centaine d’adhérents qui fréquentent le centre équestre et les autres centaines de clients de notre café et restaurant». C’est en ces termes que nous accueille Msadek Saihi, promoteur du centre thermal de Chaambi.
Avec un parking rempli et des dizaines de curistes dans la piscine chauffée, ses arguments sont imparables. Les clients connaissent l’adresse et l’affectionnent particulièrement.
Mais la question qui se pose d’office est simple : n’ont-ils pas peur? La question ne se pose en ces termes quand il y a si peu de distractions et de lieux de détente et de villégiature, répond Mehdi Z, un jeune diplômé au chômage et qui est fortement investi dans la société civile de Sbeitla. «Ici, la vie reprend ses droits même au lendemain d’un acte terroriste. Vivre est le meilleur moyen de résister à toutes les formes d’obscurantisme et d’exclusion que je connaisse».
Drogue, contrebande et religion: les refuges de la population
Pourtant, Mehdi souffre et sait qu’il n’a pas fini d’en baver. A plus de 42 ans, toujours pas marié fautes de moyens, il vient de se décider à ouvrir un minuscule magasin où il vend des recharges téléphoniques, des cigarettes, quelques biscuits et pots de yaourt pour les enfants, comme il dit. «Un magasin, c’est trop dire! Je n’ai aucun capital pour démarrer une vraie activité, pourtant je connais les atouts de la région et ses énormes possibilités. J’y ai cru, un moment, avec ladite révolution, puis avec les dernières élections et les diverses promesses des politiques menteurs et opportunistes. Aujourd’hui, encore, je déchante. Pourtant, il y a tant à faire mais cela c’est sans compter avec la marginalisation dont nous sommes victimes, en tant que région, l’objet depuis toujours. Celle-ci n’est pas prête de finir. La jeunesse est désespérée. La drogue, l’alcoolisme, la contrebande et la religion sont autant de formes de refuges que de désespoirs», dit-il avec regret.

«Ceux qui ne meurent pas comme ça, meurent un peu tous les jours d’oisiveté, de désespoir, de hogra…», commente Mehdi. Le gouvernorat de Kasserine enregistre le deuxième taux de chômage (20,7%) du pays, et le taux de chômages de ses diplômés (38,9%) représente le double de la moyenne nationale. Triste !
Pourtant Msaddek y croit toujours. Certes, il a la chance d’avoir un père médecin qui lui a réservé un pécule pour investir dans le projet de sa vie. Le jeune homme continue de vivre entre Tunis et Kasserine et d’être passionné d’équitation. Diplômé de l’IHEC, il fait la promotion de son centre équestre et de son ara sur les réseaux sociaux. La station thermale fonctionne depuis avril 2015 et ses résultats dépassent les prévisions. Aujourd’hui l’entreprise emploie plus de 25 personnes pour une enveloppe salariale estimée à 10.000 DT. Le coût du projet est d’environ 2 million de dinars pour sa première phase et quelques 1,500 million de dinars sont encore prévus pour l’unité d’hébergement composée de 10 chambres et de 25 bungalows et qui est en cours de réalisation.
L’infrastructure routière…
Confiant, le promoteur aime à préciser qu’un 1/3 des clients du thermalisme en Tunisie sont de la région: «C’est une tradition chez nous!», dit-il. Le reste de la clientèle vient de Kasserine, de Sbeitla, du Kef, de Sidi Bouzid, d’Algérie, en attendant d’aller cherchez la clientèle européenne et internationale.
Dans ses prévisions, le projet envisageait de fonctionner avec 30% de clientèle internationale que Msaddek ira chercher quand les choses se calmeront et pas uniquement dans sa région mais dans toute la Tunisie. Et puis, dit-il ironiquement, «il faudrait avant de commencer un marketing international qu’on nous fasse la route! Les budgets sont alloués et on attend le premier coup de pioche depuis 6 mois».

Parcours de randonnées…
Le centre de thermalisme, réputé pour ses eaux à dominance sulfatées et sodiques, est particulièrement conseillé aux problèmes dermatologiques, rhumatismaux et respiratoires. Il est aussi un centre d’équitation qui a failli organiser une course d’endurance de plus de 80 km. Un projet ambitieux et qui a ses adeptes. Ce n’est que partie remise, promet Mseddek. Ici, au pied des monts Chaambi, Semana et Selloum, il envisage de faire des parcours de randonnées pédestres, d’introduire le VTT et le quad, de faire des circuits d’escalade…
Espérons que de ses projets et de tant d’autres, il en parlera avec Mehdi.



