Mesures de soutien au tourisme : Abdeljelil Bedoui tacle le gouvernement, l’UTICA et les opérateurs

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La question ne figurait pas au programme de la conférence de presse mensuelle du Forum tunisien des droits économiques et sociaux (FTDES) qui devait présenter l’habituel rapport mensuel sur les mouvements sociaux, ainsi que la position de cet organisme sur les mesures du gouvernements du secteur touristique et la proclamation de l’Etat d’urgence.

Mais en parlant –emporté par son élan- des mesures en faveur du tourisme, Abdeljelil Bedoui, économiste et membre du Comité directeur du FTDES, enchaîne avec un commentaire au vitriol de l’initiative annoncée cette semaine par l’UTICA pour relancer l’économie.

«Nous avons une organisation patronale qui essaie toujours d’exploiter la conjoncture» pour tirer un profit, accuse d’entrée l’économiste proche de l’UGTT (il fut ministre au nom de la centrale syndicale dans le premier gouvernement de l’après Ben Ali dirigé par Mohamed Ghannouchi, mais il démissionna au bout d’un jour, avec Anouar Ben Kaddour, nommé à l’époque ministre auprès du Premier ministre).

Certes, Abdeljelil Bedoui affirme réserver son jugement définitif sur l’initiative de la centrale patronale historique après la publication de son contenu détaillé en septembre. Mais cela ne l’empêche pas de se montrer très sceptique, voire très méfiant à son sujet.

Pour justifier son jugement, Abdeljelil Bedoui rappelle que «dans les années quatre-vingt-dix, un président de la centrale patronale avait fait la promesse de créer un million d’emplois pour obtenir l’assouplissement de la législation du travail. Mais la promesse n’a jamais été tenue».

En conséquence, le membre du Comité directeur du FTDES craint que l’initiative de l’UTICA ne soit «une tentative d’obtenir la généralisation des mesures en faveur du tourisme et leur pérennisation» pour qu’elles ne soient pas limitées dans le temps.

Bien qu’il reconnaisse qu’elles sont «importantes et nécessaires» -en raison du poids de ce secteur dans l’économie (…), Abdeljelil Bedoui affirme relever des «faiblesses et lacunes» dans ces dispositions supposées aider le tourisme à surmonter les conséquences des attentats terroristes du Bardo et de Sousse.

Outre qu’elles sont «tardives» -puisque, selon l’économiste proche de l’UGTT, «la saison touristique est déjà terminée»-, ces mesures ne sont destinées qu’aux difficultés conjoncturelles du tourisme. Or, rappelle Abdeljelil Bedoui, «le secteur souffre de problèmes structurels qui ont commencé à apparaître depuis près de quinze ans». Et dont le membre du comité directeur de la FTDES ne perçoit pas de «volonté politique de les affronter».

Ensuite, deuxième reproche, en prenant ces mesures, le gouvernement ne fait en réalité que «transférer la crise» de ce secteur à d’autres: budget de l’Etat, CNSS, etc. qui, dans leur situation actuelle, «n’ont pas les moyens de supporter le fardeau qu’on veut leur faire porter».

Enfin, troisième et dernier reproche, les mesures en faveur du tourisme ont «ouvert la porte grande à d’autres secteurs, dont l’artisanat et l’agriculture, pour demander à bénéficier du même traitement».

Même s’il n’est pas opposé catégoriquement à l’idée d’aider le tourisme, le FTDES propose de procéder différemment. Ce forum, présidé par Abderrahmane Hedhili, a identifié six mesures à prendre pour que l’effort consenti par la communauté nationale produise l’effet escompté sur le tourisme:

– mener un étude sérieuse de la situation du secteur, en déterminant la responsabilité de chaque partie et de chaque intervenant dans le secteur et en arrêtant une stratégie à long terme basée sur des relations contractuelles et une définition des engagements;

–     évaluer de manière objective le rendement des dépenses, des avantages et des sacrifices consentis par la communauté nationale pour aider au développement de ce secteur;

–     réserver l’aide aux entreprises touristiques sérieuses se distinguant par leur bonne gouvernance et le souci de respecter leurs engagements pour se développer, au détriment de celles qui se contentent d’attendre les subventions et de consommer les avantages;

–     éviter les mesures financières à l’impact négatif sur d’autres institutions et entreprises publiques;

–     concentrer les efforts à court terme sur la formation des ressources humaines avec comme priorité l’amélioration de la qualité des services;

–     adopter un plan d’action visant à établir des relations de coopération et de solidarité entre les intervenants locaux afin de réduire la domination étrangère exercée sur le secteur.