Grande-Bretagne : la City frissonne avant des élections à suspense

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é de Londres sur un mur, photographiées le 28 septembre 2012 (Photo : Carl Court)

[05/05/2015 07:58:50] Londres (AFP) Formation ardue d’un gouvernement, majorité fragile, intégrité du Royaume-Uni et place du pays dans l’Europe: les incertitudes attendues au lendemain des élections britanniques font déjà frissonner la City.

A part les parieurs téméraires, peu s’aventurent à prévoir l’issue du scrutin législatif du 7 mai. Les experts et sondeurs préviennent qu’il sera marqué par un éparpillement des voix et une absence de majorité absolue pour les deux principaux partis du pays – les conservateurs du Premier ministre David Cameron et les travaillistes de son principal opposant Ed Miliband.

Aucun mouvement ne pouvant gouverner seul, des négociations s’ouvriront dès le lendemain entre les formations qui auront des élus pour former un gouvernement. Habituellement la tâche de former une majorité incombe au parti victorieux, mais un certain chaos risque de se faire jour si les deux principaux mouvements sont au coude à coude – une hypothèse plausible.

“Il n’y a pas de règles strictes pour encadrer la formation d’un gouvernement en cas de Parlement sans majorité claire”, rappelle Olivier Harvey, de Deutsche Bank.

Ce spécialiste du marché des changes attend en conséquence “de fortes secousses sur les marchés dans la foulée immédiate du 7 mai”, les investisseurs ayant horreur du vide. Ces craintes ont déjà contribué au retrait d’un milliard de livres du marché britannique des actions en mars, d’après l’Investment Association.

La Bourse de Londres, les obligations d’Etat britannique et la livre sterling pourraient dès lors connaître quelques journées mouvementées après l’élection, au gré des négociations entre mouvements représentés au Parlement en vue de participer ou soutenir le prochain gouvernement.

Certains experts des marchés ont certes tendance à juger ces peurs exagérées, soulignant que les entreprises cotées à Londres sont très internationales et que la politique monétaire ultra-accommodante des grandes banques centrales mondiales constitue une assurance tous risques. Mais au-delà du très court terme, une impression d’incertitude ou à tout le moins de fragilité pourrait persister si le gouvernement formé in fine n’offrait pas toutes les garanties de solidité.

“En théorie, les gouvernements fragiles appuyés sur des majorités réduites ou des coalitions instables peuvent nuire à l’économie en nourrissant l’incertitude”, explique Samuel Tombs, du centre de recherche Capital Economics.

“Les entreprises pourraient ne pas investir si elles pensent que le gouvernement ne va pas durer. En outre, les gouvernements faibles ont tendance à ne pas engager de réformes structurelles coûteuses à court terme et ont souvent du mal à réunir le soutien nécessaire pour réduire le déficit public”, énumère M. Tombs.

– Départ britannique de l’UE ? –

En pratique toutefois, la comparaison des taux de croissance enregistrés par le Royaume-Uni sous des gouvernements “faibles” et “forts” depuis 50 ans ne laisse pas apparaître de différence si évidente, et la croissance moyenne enregistrée les années électorales est quasi-identique à celle de années sans élections.

D’après M. Tombs, cela “provient du fait que les cycles économiques ont été plus longs que les cycles politiques”, avec une récession tous les dix ans et une élection tous les quatre ans en moyenne.

Quel qu’il soit, le futur gouvernement pourrait d’ailleurs jouir d’une croissance dynamique au Royaume-Uni, prévue à 2,7% cette année et à 2,3% l’an prochain par le FMI.

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é le Cornichon, (centre) et la cathédrale St Paul à droite (Photo : Daniel Sorabji)

“Un gouvernement minoritaire pourrait entraîner une impasse politique mais, avec une croissance solide, cette impasse ne serait pas forcément risquée en termes économiques”, confirme Michael Saunders, de Citi Research.

Comme d’autres économistes, M. Saunders souligne que plusieurs interrogations majeures pesant sur l’avenir du Royaume-Uni pourraient demeurer, même en cas de majorité stable. Les rapports de l’Ecosse avec Londres feront ainsi l’objet de joutes politiques, sous l’égide d’un Parti national écossais attendu en force à Westminster et rêvant de concrétiser son rêve indépendantiste.

De même, la relation du Royaume-Uni avec l’Union européenne pourrait être bouleversée, avec un référendum sur une sortie éventuelle promis d’ici à 2017 par David Cameron s’il reste au 10, Downing Street. Cette éventualité peu goûtée par les milieux d’affaires fait que la City, traditionnellement favorable aux conservateurs, n’espère cette fois aucun “bon résultat” le 7 mai.

Déçue des hausses de taxes et inquiète d’un éventuel départ de l’UE, la première banque européenne, HSBC, vient de menacer de déménager son siège hors du Royaume-Uni.