Russie : la banque centrale tente de ranimer l’économie

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à Moscou

[30/04/2015 15:19:08] Moscou (AFP) La banque centrale de Russie a décidé jeudi d’envoyer une bouffée d’oxygène à une économie en pleine asphyxie en abaissant nettement son taux directeur, expliquant comme l’espérait le gouvernement que le rebond du rouble lui permettait de desserrer son étau monétaire.

Le taux directeur est abaissé un peu plus que prévu par les économistes, à 12,5%, contre 14% depuis la mi-mars. Il s’agit de la troisième réduction cette année, et probablement pas de la dernière tant ce niveau reste punitif pour les entreprises et les ménages.

“Au fur et à mesure que les risques d’inflation continueront de diminuer, la Banque de Russie se tiendra prête à continuer d’abaisser son taux directeur”, a insisté l’institution dans le communiqué publié à l’issue de sa réunion régulière de politique monétaire.

La banque centrale a expliqué sa décision par “la réduction des risques d’inflation et les risques persistants d’un ralentissement considérable de l’économie”.

A la mi-décembre, elle avait brusquement augmenté son taux directeur à 17% pour reprendre le contrôle sur le rouble alors en chute libre au plus fort d’une crise sans précédent en 15 ans de pouvoir de Vladimir Poutine. Mais une mesure aussi extrême avait pour effet un coût du crédit intenable aggravant la crise économique héritée des sanctions occidentales liées à la crise ukrainienne et de la chute des cours du pétrole.

Depuis, la crise monétaire a bien eu les effets redoutés avec une envolée de l’inflation, une chute du pouvoir d’achat et une activité économique dans le rouge. Le gouvernement estime que le produit intérieur brut s’est contracté au premier trimestre de 2,2% sur un an, et la tendance semble pire au deuxième trimestre.

En revanche, le rouble a signé un rebond d’une ampleur inattendue, de près de 40% en deux mois face au dollar, faisant dire à Vladimir Poutine que le pire du choc était passé.

“Sur fond d’appréciation du rouble et de contraction importante de la consommation en février-avril 2015, le rythme de la hausse des prix à la consommation ralentit et l’inflation tend à se stabiliser”, a détaillé la banque centrale, disant prévoir que l’inflation “ralentira plus rapidement qu’anticipé”.

– ‘Signal fort’-

“A court terme, la détérioration des perspectives de croissance apaise les pressions sur les prix, tandis que le rebond du rouble devrait calmer les attentes d’inflation de la population”, ont estimé les économistes de Natixis. “Cette décision est cohérente avec un message de sombres perspectives et laisse la porte ouverte à d’autres baisses”, ont-ils ajouté.

Le rouble s’orientait d’ailleurs en nette baisse jeudi après-midi, à 51,51 roubles pour un dollar et 57,55 roubles pour un euro vers 14H30 GMT.

“On peut s’attendre à de nouveaux abaissements”, a approuvé Dmitri Lepetnikov, expert de la banque VTB24. “C’est un signal fort aux banques pour qu’elles abaissent leurs taux, des crédits comme des dépôts”.

Au gouvernement, les ministres ne cessaient de répéter ces derniers temps que la situation est favorable à une baisse des taux de manière à donner un coup de pouce à l’économie.

Au Parlement, le vice-président du comité de l’Industrie, Vladimir Gouteniev, a fait part de son impatience en demandant une baisse “rapide” du taux directeur à 6%-7% pour que les industriels puissent investir.

Le député Mikhaïl Emelianov, interrogé par l’agence Ria Novosti, a jugé aussi le taux actuel “trop haut pour que le crédit soit accessible, ce qui est à la condition essentielle au retour de la croissance”.

Pressée d’agir vite, la banque centrale avait même décidé de convier les ministres des Finances Anton Silouanov et de l’Economie Alexeï Oulioukaïev à sa réunion de politique monétaire de jeudi, un fait inhabituel au vu de l’indépendance de l’institution inscrite dans son statut.

“Cela permettra aux ministres de mieux comprendre les arguments de la Banque de Russie concernant ses prises de décision”, a expliqué l’institution, relevant qu’ils “commentent régulièrement le niveau du taux directeur”.