Jeux de hasard : plus on est de fous, plus on joue

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indiquer sur les grilles du Loto le nombre de joueurs participants (Photo : Joel Saget)

[02/04/2015 09:26:44] Paris (AFP) On joue de moins en moins seul: en famille, entre amis ou entre collègues, les jeux de hasard, réputés solitaires, trouvent un nouveau souffle avec une pratique de groupe, plus économique et plus ludique.

Lundi, 82 millions de grilles du Loto compteront une nouvelle case. La Française des jeux (FDJ) a décidé d’épouser la pratique du “jeu collaboratif” en offrant la possibilité d’indiquer le nombre de joueurs participants (de deux à dix).

Finie la peur de voir le détenteur de l’unique ticket gagnant d’une mise collective dissimuler le jackpot ou oublier le précieux sésame dans une poche de manteau passé à la machine à laver. Chacun aura son propre reçu.

“C’est l’observation de cette pratique chez nos clients qui nous a amenés à proposer une méthode pratique et sécurisée à ce qu’ils faisaient déjà de manière informelle”, explique la PDG de la FDJ, Stéphane Pallez.

Le jeu à plusieurs n’est pas une nouveauté.

C’est d’abord économique: en mutualisant, on mise moins et on augmente ses chances de gain.

“Mais l’idée de partage donne un sens supplémentaire, au-delà de la seule motivation de l’argent”, estime le sociologue spécialiste des jeux Jean-Pierre Martignoni-Hutin. “Les jeux sont souvent présentés comme une activité solitaire, qui peut parfois mener à la solitude. Mais sur le terrain, on observe aussi un vrai +jouer ensemble+: les gens achètent puis rentrent gratter en famille, jouent en entreprise, même dans les casinos il y a souvent des gens autour de la machine… C’est une pratique plus courante qu’on n’imagine.”

Selon une étude commandée par la FDJ et publiée jeudi, 21% des Français ont déjà joué au Loto à plusieurs et 8% le font chaque mois. Plus de la moitié d’entre eux (51%) s’y sont mis récemment, depuis deux à cinq ans.

“Cette tendance s’inscrit dans un processus plus profond qui ne concerne pas que les jeux: les gens font du covoiturage, achètent collectivement, échangent leurs appartements…”, souligne M. Martignoni-Hutin.

– Un jeu plus acceptable –

On joue essentiellement en famille (42%), entre amis (34%) ou entre collègues (27%), comme Céline, secrétaire de 26 ans.

“Normalement, je ne joue pas. Ce sont des collègues qui ont lancé ça au bureau. C’est marrant: on discute, on se chamaille pour recaser nos chiffres fétiches”, sourit-elle.

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étude commandée par la Française des Jeux, 21% des Français ont déjà joué au Loto à plusieurs et 8% le font chaque mois (Photo : Philippe Huguen)

Si les belles histoires, comme celle de 25 chauffeurs de bus seine-et-marnais qui se sont partagés cinq millions d’euros en 2011, sont les plus nombreuses, les plus retentissantes sont celles d’amitiés ou de familles brisées.

Comme pour ces septuagénaires de Villeneuve-sur-Lot, amis de 35 ans, qui se sont retrouvés face à face au tribunal. L’un avait demandé à l’autre, gérant du café où il avait l’habitude de jouer, de lui avancer 20 euros. “Si tu gagnes on partage, sinon tu ne m’en devras que dix”, avait convenu le commerçant. Mais son “ami” était allé retirer seul le million d’euros qu’ils avaient remporté…

Jouer en groupe, autour d’un verre ou en rigolant, et sans la crainte de voir surgir la cupidité humaine rend aussi le jeu, parfois mal perçu, plus acceptable. Et pourrait attirer de nouveaux clients, espère la FDJ.

“On propose à des clients qui jouent rarement de jouer plus fréquemment dans un cadre qui correspond à des attentes: un jeu convivial et facile d’approche. C’est un moyen de continuer à chercher une croissance raisonnable en élargissant notre bassin de clients réguliers”, explique Stéphane Pallez.

“Mais pourquoi seulement le Loto? Pourquoi pas l’Euromillion? Pour jouer groupé, il faut de gros pactoles”, s’étonne Laurent Laporte, qui tient le plus gros point de vente de France, près de la gare Saint-Lazare à Paris.

Pour lui comme pour ses clients, il existe un terrain idéal -mais encore inexploité- pour le jeu collaboratif: les paris sportifs. “Quand on passe un match de foot, les gens regardent, discutent et font parfois une grille ensemble, raconte-t-il. Et pourtant, ils ne se connaissent pas forcément.”