Hommage : Abdelwaheb Meddeb, ou le combat d’un conservateur-moderniste

Le penseur franco-tunisien décédé le 6 novembre dernier nous a laissé une œuvre impressionnante et une idée-force: l’islam n’est pas obscurantisme.

abdelwahab-meddeb-06112014.jpgIl compte parmi les intellectuels ayant le plus fustigé toute forme de fanatisme aveugle et de nature à donner, principalement aux Occidentaux, l’image d’un islam rétrograde, brut et obscurantiste. A maints égards, il est très bien placé pour disséquer la question sous toutes ses coutures, et c’est ce qu’il a fait dans certains de ses ouvrages, mais aussi dans sa chronique hebdomadaire “Cultures d’islam“ qu’il assurait depuis 1997 sur France Culture.

Tunisien, donc arabe et musulman de naissance, ses premières tétées didactiques, qu’il recevait de son père, le Cheikh Mustapha Meddeb, alors professeur des Principes de droit, étaient bien évidemment le texte coranique; de tout temps, mais de moins en moins de nos jours, la medersa coranique, en Tunisie, est la toute première école que se doivent de fréquenter les enfants. Il n’a donc pas dérogé à la règle. Mais il y a fort à parier que son père a joué un rôle de première importance dans son éducation, car l’enfant, même plus tard quand il a été passionné de littérature française, a dû garder l’image d’un islam conciliateur, tolérant, fédérateur, ouvert. C’est cette image qu’il gardera sa vie durant et pour laquelle il mènera tout son combat.

Déjà en 1972, alors jeune universitaire fraîchement sorti de l’Université Paris-Sorbonne IV où il a poursuivi des études de Lettres et d’Histoire de l’art, il collabore avec les Editions Le Robert pour lesquelles il rédige des notices sur, justement, l’islam et l’histoire de l’art. Sa voie et ses idées éditoriales sont donc claires dès le départ; il n’a rien oublié des principes arabo-musulmans dont, enfant, il a été nourri. Bien au contraire, son cursus universitaire, il le mettra au service d’une spécialité portant sur la littérature comparée, soit entre l’Europe et le monde islamique. Cela, à ses yeux, semble couler de source puisqu’il se dit être de généalogie double, européenne et islamique, arabe et française.

Auteur de quelque trente-deux ouvrages (roman, poésie, essai…), il se fait particulièrement distinguer en 2002 par un livre à l’intitulé bien prémonitoire, “La maladie de l’islam“, qui lui vaudra le prix François Mauriac; il reviendra en 2007 avec un nouvel ouvrage dont la lutte contre l’intégrisme est on ne peut plus claire, “Contre-prêches“, qui le prédisposera au prix Benjamin Fondam; en 2008, il récidive avec un essai au titre non moins percutant, “L’islam entre civilisation et barbarie“. En 2011 puis 2013, il sortira coup sur coup “Printemps de Tunis, la métamorphose de l’histoire“ et “Histoire des relations entre juifs et musulmans, des origines à nos jours“.

Sur son lit d’hôpital, le 5 octobre dernier, craignant pour le devenir politique de son pays, la Tunisie, il déclare voter Nidaa Tounès aux législatives, et BCE à la présidentielle.

Un cancer l’a emporté le 6 novembre 2014.