Partenariat : Qu’est-ce qui bloque le dialogue stratégique Tunisie-USA?

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cadre du dialogue stratégique entre la Tunisie et les Etats-Unis d’Amérique est
sur pied. Cependant et de l’avis de tous, hormis quelques actions sporadiques de
coopération, la marche du dialogue vers le partenariat patine. On a le sentiment
que ça ne suit pas!

Six mois après le lancement du dialogue stratégique entre la Tunisie et les
Etats-Unis d’Amérique, la Chambre de commerce tuniso-américaine “AmCham“ fait le
point. C’était à l’occasion de son dernier déjeuner débat mensuel.

Deux ministres et un secrétaire d’Etat tunisiens étaient invités, en
l’occurrence Mongi Hamdi (Affaires étrangères), Taoufik Jelassi (Enseignement
supérieur), et Noreddine Zekri (secrétaire d’Etat à la Coopération
internationale Jacob Walles, ambassadeur des Etats-Unis, avait pris à la
rencontre.

C’est Amel Bouchamaoui, présidente d’AmCham, qui a planté le décor de ce débat
qu’elle a, elle-même, animé. Elle a présenté à ses convives, en amorce, deux
sujets d’intérêt. Le premier énumère les cinq registres de coopération
essentiels, qui doivent donner du contenu à ce cadre qu’elle espère voir évoluer
du dialogue vers les réalisations. Le second est le comparatif d’avancement des
autres dialogues similaires initiés dans la région, à savoir l’Egypte, la
Jordanie, l’Algérie et le Maroc. Que révèle ce premier jet d’audit?

Des promesses et de l’espoir, quid des réalisations?

C’est à Washington, à l’occasion de la visite officielle du chef du
gouvernement, Mehdi Jomaa, que le président Barack Obama a lancé le dialogue
stratégique avec la Tunisie. C’est le cinquième de la région. Etant le dernier à
être lancé et compte tenu de la bonne volonté manifestée par les USA à faire
réussir la transition en Tunisie, ce dialogue arrivait à point nommé.

Mme Bouchamaooui rappelait que cela comportait des promesses de coopération dans
cinq domaines importants pour la Tunisie, à savoir les ressources humaines, le
savoir et l’innovation, l’infrastructure, la croissance économique et enfin
l’émancipation du secteur privé.

On nourrissait l’espoir au vu du bon démarrage des autres dialogues dans la
région que cela allait booster les échanges avec l’Amérique et donner un sérieux
coup de fouet à la relance de l’économie tunisienne.

Toutefois, au-delà de l’effet d’annonce et en dehors du dossier de la
coopération universitaire, qui a connu quelques réalisations encourageantes, les
autres dossiers sont au même point. Le chef de la diplomatie tunisienne a bien
évoqué la bonne prédisposition du gouvernement américain à accompagner l’effort
de redressement tunisien, mais cela n’a pas dissipé le sentiment de scepticisme
manifesté par beaucoup de participants. Beaucoup parmi les convives ont apporté
des contributions actives à l’effet de booster ce dialogue et ils rappellent
qu’ils ne voient pas venir cette vague de dynamisme à laquelle ils
s’attendaient. Beaucoup de dossiers restent sur la position du départ. La partie
tunisienne n’a pas apporté, il faut bien le dire, toutes les dispositions de
lobbying nécessaires. Notre stratégie de conquête de l’Amérique manque elle-même
de punch. Mais ce n’est pas tout. Le répondant du côté américain n’est pas, non
plus, à son top niveau. On voit la partie américaine, encore hésitante alors que
le pays avance avec assurance sur la voie de la finalisation de la transition.

La coopération universitaire

La coopération universitaire avec l’Amérique a connu un certain redémarrage,
après s’être étiolée ces dernières années, a rappelé Taoufik Jelassi. Trois
programmes d’accueil d’étudiants tunisiens en Amérique ont été réactivés, à
savoir: Cornell University, Fullbright et Thomas Jefferson. Une enveloppe de 20
millions de dollars pour 400 bourses d’études a été accordée à la Tunisie.
C’est, à l’évidence, une bonne réactivation de la coopération en ce domaine
sensible.

Cependant, on attendait davantage. M. Jelassi avait rencontré le CEO de
Microsoft, dans ce lieu magique de la finance, le NYSE (New York Stock
Exchange), la Bourse de New York, et on s’est dit que cela allait ouvrir des
horizons inédits pour la Tunisie dans les IT. La délocalisation de la firme
Intel en Israël a structuré l’industrie High Tech israélienne. On s’est laissé
aller à croire à un deal semblable. Or rien ne se dessine à ce jour.

Il ne faut jamais insulter l’avenir, les échanges universitaires, s’ils se
poursuivaient à l’avenir, seraient une première marche sur cette voie.

A ce stade, on s’interroge pourquoi cela ne diffuse pas vers les autres secteurs
là où les Tunisiens attendent le plus de l’Amérique.

Les hésitations américaines sont infondées

Les partenaires américains nourrissent toujours des réserves secrètes sur
l’avenir économique de la Tunisie. Mezza voce quelques opérateurs américains ont
régulièrement soutenu que l’économie tunisienne reste en-deçà de sa masse
critique, ce qui ne les décidait pas à faire le jump de la délocalisation comme
ils l’ont fait au Maroc, en Egypte ou même en Jordanie. Et puis, comme le
rappelait Noureddine Zekri, les Américains sont toujours sceptiques quant à la
stabilité du pays. Pourtant, dira-t-il, “ma présence ici doit dissiper toutes
vos craintes’’. Noureddine Zekri a rappelé que l’administration tunisienne est
le meilleur garant de la continuité de l’Etat. Il a dit “avoir servi dans
l’administration sous Bourguiba, sous Ben Ali et aujourd’hui encore, dans la
Tunisie postrévolutionnaire, cela doit vous rassurer définitivement à avancer
avec la Tunisie sur la voie du partenariat stratégique’’.

Le mystère reste entier avec l’Amérique. Alors que la Tunisie a l’administration
la plus professionnelle de la région, alors que le pays confirme son entrée dans
l’ère démocratique, l’Amérique continue à lui résister et à ne pas franchir le
pas décisif en matière de coopération économique. Alors que les USA ont accordé
le FTA (Free Trade Agreement) -cadre idoine à l’expansion des échanges
économiques-, elle ne se décide toujours pas à l’accorder à la Tunisie. Et ce
malgré les tentatives incessantes et répétées du pays auxquelles d’ailleurs
AmCham fut activement associée à travers les missions dites “Knock Door’’.

Comment se dégager de cette contrainte? Là est la question.