A peine en fonctions, Juncker rue dans les brancards de la politique européenne

b52c344530e900e3857687cf32d4f2cf084bc1ce.jpg
érence de presse à Bruxelles le 5 novembre 2014 (Photo : John Thys)

[05/11/2014 17:09:02] Bruxelles (AFP) Le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker a d’emblée signifié aux dirigeants européens qu’il n’accepterait pas les “critiques injustifiées” contre son équipe et multiplié les remontrances à l’adresse des Premiers ministres italien et britanniques, dans un style aux antipodes de celui de son prédécesseur José Manuel Barroso.

“Je ne suis pas un type qui tremble devant les Premiers ministres”, a-t-il lancé mercredi devant la presse après la première réunion de son équipe, quatre jours après son entrée en fonctions.

L’ancien Premier ministre luxembourgeois conservateur est connu pour sa liberté de ton et ses remarques cinglantes. Une attitude qui tranche avec celle de M. Barroso, un homme tout en rondeurs et en langue de bois, qui pendant dix ans s’est montré extrêmement soucieux de conserver la façade d’une Union européenne… unie.

“C’est une approche tout à fait différente de Barroso”, souligne Janis Emmanouilidis, directeur d’études au European Policy Center, un think thank basé à Bruxelles. “Barroso faisait très attention à ne pas embêter les gouvernements, car il pensait qu’il en avait besoin en tant qu’alliés”.

M. Juncker, qui veut rapprocher l’UE de ses citoyens et a dit mercredi sa “peur de décevoir”, n’a pas de tels états d’âme. Il avait annoncé la couleur dès mardi, accusant les Premiers ministres britannique David Cameron et italien Matteo Renzi de mentir à leurs concitoyens à propos des négociations budgétaires en Europe.

ef910135daa18889ab4207560a0071fcd3f319fb.jpg
à Bruxelles le 24 octobre 2014 (Photo : Thierry Charlier)

M. Renzi était arrivé au dernier sommet européen, les 23 et 24 octobre, en fustigeant les exigences de la Commission sortante sur son projet de budget pour 2015, et M. Cameron avait fait un esclandre sur une rallonge de 2,1 milliards d’euros au budget européen demandée à Londres, se disant “fâché”.

-‘Des petits enfants’-

“J’ai pris des notes, et quand je compare ce qui s’est dit en salle et à l’extérieur, cela ne coïncide pas”, a affirmé M. Juncker devant le Parlement européen. “J’ai dit à Matteo Renzi que je ne suis pas à la tête d’un gang de bureaucrates. Je suis président de la Commission européenne, une institution politique, et je veux que les Premiers ministres respectent cette institution”.

Matteo Renzi a en retour demandé “du respect pour l’Italie”. “Je ne vais pas aller à Bruxelles pour me faire expliquer ce qu’il faut faire, et je l’ai dit à Juncker et Barroso”, a-t-il expliqué dans un entretien diffusé mardi soir. “Je n’y vais pas avec mon chapeau entre les mains!”.

4a9a7abb25aa01cca8b16f28c0f50ae423a7d98d.jpg
à Londres le 27 octobre 2014 (Photo : Leon Neal)

Plutôt que de couper court, M. Juncker est longuement revenu sur la querelle mercredi midi, promettant de venir ainsi devant les journalistes toutes les semaines, là aussi un changement radical par rapport à M. Barroso. “Il faudra que tout le monde sache qu’il n’y aura plus d’attaques sans réaction”, a-t-il dit, ajoutant: “il ne faut pas dramatiser, il n’y a pas de conflit entre Renzi et Juncker, nous ne sommes pas des petits enfants”.

De fait, c’est surtout M. Cameron qui en a pris pour son grade. “Je n’ai pas un problème avec M. Cameron. M. Cameron a un problème avec les autres Premiers ministres” européens, a lancé M. Juncker. A quoi un porte-parole de M. Cameron a répondu qu’il “travaille très étroitement avec ses homologues de l’UE”.

Cette remarque intervient alors que Berlin exprime de plus en plus publiquement son agacement face au Premier ministre britannique, sous pression des eurosceptiques de l’Ukip. Angela Merkel, qui a récemment haussé le ton contre son projet de restreindre l’immigration européenne, a indiqué qu’il y a certaines limites. Jusqu’ici les critiques étaient exprimées en privé, maintenant cela va sortir”, note M. Emmanouilidis.

M. Juncker a aussi annoncé mercredi qu’il se rendrait à Kiev pour sa première visite officielle en dehors de l’Union européenne, comme il l’avait “promis” au président ukrainien Petro Porochenko en conflit avec la Russie. Une marque de soutien cette fois-ci tout à fait en ligne avec M. Barroso, qui s’est rendu à Kiev le 12 septembre après avoir reçu M. Porochenko le 30 août à Bruxelles.