Communiqués de la Banque centrale : L’art d’arrondir les angles


banque_centrale_tunisie.jpgUne
évidence: le traditionnel communiqué mensuel du Conseil d’administration de la
Banque centrale de Tunisie (BCT) est rédigé, depuis des décennies, dans un
langage rébarbatif que seuls les experts peuvent en deviner et décoder les
messages. Ses rédacteurs, formatés dans le positivisme et la langue de bois,
cultivent l’art d’arrondir les angles et de fournir des données générales,
insipides, et donc inutiles pour une analyse ciblée et pointue de la conjoncture
économique.

Même d’un point de vue purement propagandiste, ce communiqué ne sait pas mettre
en valeur les bons résultats. Celui du mois de juillet 2014 est une illustration
flagrante de ces négligences.

Ce communiqué est truffé de bonnes nouvelles et de moins bonnes, mais ses
rédacteurs n’ont pas jugé utile de les mettre en exergue et de les expliquer un
tant soit peu. Nous en avons retenu cinq.

Mauvais résultats à expliquer

Commençons par les moins bonnes. Dans son analyse de la conjoncture mondiale, le
communiqué évoque, de manière trop générale, «la révision à la baisse des
prévisions du Fonds monétaire international (FMI) en matière de croissance,
particulièrement, dans les pays industrialisés. Conséquence, le taux de
croissance mondial retenu pour 2014 est de l’ordre de 3,4% contre 3,7% prévus
initialement».

Ici, à notre sens, la BCT aurait pu rendre un éminent service aux analystes et
opérateurs économiques locaux si elle avait ajouté une petite information sur le
taux de croissance des pays avec lesquels la Tunisie échange le plus (France,
Italie, Allemagne…).

Toujours au rayon des mauvaises nouvelles, le communiqué signale «l’aggravation
du déficit courant au premier semestre de l’année en cours, atteignant 5,3% du
PIB contre 4,4% sur la même période de l’an passé, et ce suite à la
détérioration continue de la balance commerciale, principalement, ses
composantes énergétique et alimentaire».

Là aussi, l’information se distingue par sa généralité et ne donne aucune
précision sur le bon ou le mauvais comportement des postes dans les domaines
énergétiques et alimentaires. En plus clair, la BCT reste muette sur la
dénomination des produits importés à l’origine de ce déficit. Pourtant, une
petite ligne de plus aurait suffi.

De bonnes nouvelles à valoriser

Quant aux bonnes nouvelles, elles sont signalées à la-va-vite, encore une fois,
sans aucune précision. Le communiqué évoque, entre autres, «la bonne tenue des
secteurs de l’agriculture et des mines…».

Concernant l’agriculture, le communiqué aurait dû aller au-delà de la simple
«bonne tenue». Il s’agit d’une excellente récolte céréalière. Elle est estimée à
2,4 millions de tonnes cette année, ce qui permettra au pays de faire l’économie
des devises dépensées en 2013, pour importer 1,6 million de tonnes, avec comme
corollaire la participation à la réduction du déficit courant.

Idem pour le secteur des mines et sa principale composante, les phosphates. Le
communiqué aurait été plus exhaustif s’il avait établi un parallèle entre les
productions de ce semestre avec celui de l’année écoulée et mettre en valeur la
reprise et les perspectives des exportations durant toute l’année.

Est-il besoin de rappeler ici que la production de la Compagnie des phosphates
de Gafsa (CPG) a atteint 2,087 millions de tonnes de phosphate commercial, au
cours du premier semestre de l’année 2014, soit une hausse de 74% par rapport à
la même période de 2013 (1,2 million de tonnes).

Par ailleurs, la CPG table sur une production de 5,5 millions de tonnes pour
cette année, ce qui est loin d’être négligeable. Le communiqué de la BCT n’a pas
estimé indispensable d’étayer cette information.

D’autres bonnes nouvelles sont presque passées sous silence par le communiqué.
Il y a tout d’abord l’amélioration des recettes touristiques et la probabilité
d’atteindre, d’ici la fin de l’année, les 6,4 millions de touristes, une moyenne
annuelle réalisée régulièrement, depuis l’an 2000, et ce en dépit des crises et
actes terroristes perpétrés depuis cette date.

Vient ensuite la mention, dans le communiqué, “des indicateurs positifs relatifs
à la consolidation du rythme d’évolution de l’encours des dépôts au premier
semestre de l’année en cours (4,3% contre 2% au cours de la même période de
2013)“. Cette amélioration, note le communiqué, «a concerné, en particulier, les
dépôts à vue et les comptes à terme, et ce parallèlement à l’affermissement du
rythme d’évolution des concours à l’économie durant la même période (5% contre
3,1% une année auparavant), suite à la reprise des crédits à court terme et à la
consolidation du rythme d’évolution des crédits à moyen et long termes».

Il s’agit manifestement d’une bonne nouvelle qui aurait dû être mise en exergue
dans la mesure où elle vient confirmer le retour de confiance dans les banques à
une période où les épargnants étaient au courant, en plus, du projet de loi de
finances complémentaire lequel prévoyait la levée du secret bancaire.

C’est pour dire au final que le rajout de quelques précisions aux nouvelles
fournies par le communiqué ne fera que lui conférer plus de crédibilité et
améliorer l’image de la BCT.

A bon entendeur.