Tunisie – Tourisme : La stratégie Vision 3+1 «n’est pas sexy mais elle est pragmatique»


tourisme_tunisie_economie_tn.jpg«La
plus belle femme ne peut donner que ce qu’elle a», pour dire que, lorsqu’une
personne fait tout ce qu’elle peut, il ne faut pas lui demander davantage. Ce
proverbe m’est venu à l’esprit en écoutant la ministre du Tourisme, Amel Karboul,
mardi 12 août, au cours d’un déjeuner-débat avec la presse, présenter sa
nouvelle stratégie pour la relance du secteur touristique. Car contrairement,
aux énormes espoirs et chantiers promis par la déclaration visionnaire «chaque
village doit être perçu, dorénavant, comme une station touristique», la
ministre, piégée par ce qu’elle appelle le court-termisme, ne peut que gérer ce
qui existe, c’est-à-dire l’immédiat, et ce au détriment, hélas, d’une vision
future.

D’abord un mot sur cette nouvelle stratégie. Synthèse des workshops qui ont eu
lieu avec les professionnels et des «études stratégiques» menées depuis une
quinzaine d’années par la Banque mondiale, le Programme des Nations unies pour
l’environnement (PNUE), l’Agence de développement française (AFD), JICA
(coopération japonaise), agences de notation, experts, architectes…, cette
stratégie n’apporte rien de nouveau. Elle ne fait pas faire rêver au regard des
attentes de la révolution et de l’énorme potentiel dont recèle la Tunisie en
matière de promotion touristique.

Dénommée «Vision 3+1», cette synthèse des synthèses, composée de 15 réformettes
-actions «quick wins» et 25 projets structurants, vient rappeler les ABC du
métier et esquisse des solutions, sensées être assimilées et maîtrisées dès la
création de l’industrie touristique (les années 60), à quatre principaux
problèmes classiques et récurrents, en l’occurrence: la mauvaise qualité,
l’absence de diversification, l’inexistence d’une image de marque forte et la
mauvaise gouvernance.

Vision 3+1, conçue pour sauver ce qui existe

Interpellée sur ce sujet, la ministre admet que Vision 3+1 n’est certes pas, au
sens intellectuel excitante, voire «sexy» mais elle est «pragmatique» dans la
mesure où elle propose de sauver ce qui reste de l’industrie touristique.

Elle ajoute que la mise en œuvre de cette stratégie devrait durer au moins 7 à
10 ans et bénéficier de la priorité absolue. Car, pour elle, si rien n’est fait
dans cette perspective et si rien n’est fait pour stopper la situation délétère
dans laquelle se débat le secteur, il y a des risques pour que les touristes
boudent à jamais la destination et que cette dernière ne parvienne plus à
attirer les touristes.

Selon elle, l’enjeu est de préserver et d’améliorer l’acquis. Et l’acquis pour
elle c’est le balnéaire qui a fait ses preuves, particulièrement en cette
période où le pays est confronté au terrorisme et à toutes sortes de menaces.

Les stations de Sbeitla et à Ain-Draham attendront…

Amel Karboul estime que l’accent doit être mis de nos jours sur le renforcement
des stations qui ont réussi et pu s’imposer au goût du touriste international.
Parmi celles-ci, elle a cité, en bonne djerbienne convaincue, la station de
Djerba. Pour les futures stations prévues à Sbeitla, Ain-Draham…, elles sont
renvoyées, le plus simplement du monde, aux calendes grecques.

Pour les consoler, Amel Karboul a indiqué que la Tunisie recèle d’un énorme
potentiel touristique qui lui permettra, dans l’avenir, de recevoir,
annuellement et facilement, plus de 10 millions de touristes et d’attirer de
nouveaux visiteurs dont le nombre est estimé, pour les prochaines années, par
l’Organisation mondiale du tourisme (OMT), à plus de deux milliards contre un
milliard actuellement.

Transcender le court-termisme

Il faut reconnaître, ici, que la marge de manœuvre de la ministre est très
réduite et qu’elle est en train de réussir, en dépit de la problématique
terroriste, la mission qui lui a été confiée, celle de sauver la saison 2014.

Pour revenir à Vision 3+1, nous pensons que cette stratégie donne à voir qu’il
s’agit plus d’un mea culpa, voire d’un aveu et d’une reconnaissance de l’échec
de la politique suivie jusque-là par l’industrie touristique. Elle laisse
entendre également que tous ceux qui ont travaillé, depuis des décennies, dans
le tourisme (professionnels, administration, planificateurs, syndicats…), ont
simplement resquillé et failli à leur mission principale. Celle-là même qui
consiste à veiller sur la qualité dans son acceptation la plus globale
(services, environnement…), à lutter avec efficacité contre la saisonnalité du
produit (création de nouveaux produits…), à travailler sur le branding et bien
évidement à bien gérer le secteur.

Le mérite d’Amel Karboul est d’avoir arrêté l’hémorragie et d’avoir déterré des
études dont les conclusions ont tendance à devenir, avec l’effet de l’évolution
du temps, caduques et inappropriées.

L’idéal serait de booster la réflexion, d’explorer de nouveaux créneaux et
d’impliquer à leur mise en œuvre toute la population du pays. Pour ce faire, il
suffit de transcender le handicap du court-termisme par l’adoption de cahiers
des charges et des lois applicables à tous et permettant à l’ensemble des
Tunisiens partout où ils se trouvent d’exercer un métier touristique sans
nécessairement attendre un quelconque appui de l’Etat lequel s’est avéré, en
plus, un très mauvais gestionnaire d’une très belle industrie touristique.

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