Ukraine : une nouvelle banquière centrale pour sortir du chaos

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à Kiev, le 19 juin 2014 (Photo : Sergei Supinsky)

[19/06/2014 15:15:31] Kiev (AFP) Nommée jeudi présidente de la banque centrale d’Ukraine, Valeria Gontareva, dispose de vingt ans d’expérience dans le secteur financier, dont elle aura fort besoin pour oeuvrer à stabiliser le pays sauvé in extremis de la faillite par les Occidentaux.

A 49 ans, la première femme à la tête de la Banque nationale d’Ukraine a déjà fait ses preuves à des postes à responsabilité au sein d?institutions financières de premier plan comme la néerlandaise ING ou la française Société Générale.

“Je pense que ma nomination constitue un signal positif pour les banquiers. J’espère que cela sera aussi un signal positif pour les investisseurs étrangers”, a-t-elle déclaré, une fois sa nomination approuvée par le parlement.

Originaire de Dnipropetrovsk, dans l’Est russophone, Valeria Gontareva, a commencé sa carrière comme économiste au système ukrainien d’échanges interbancaires de devises en 1993, alors que l’Ukraine tout juste indépendante se lançait dans l’économie de marché.

Elle a ensuite occupé des postes en Ukraine pour la Société Générale puis ING, avant de devenir en 2007 présidente du conseil d’administration du groupe Investment Capital Ukraine Group.

Elle remplace Stepan Koubiv, nommé à la chute du président Viktor Ianoukovitch, qui a à ce titre participé aux négociations débouchant au déblocage de l’aide financière d’urgence de 17 milliards de dollars du Fonds monétaire international.

La patronne du FMI, Christine Lagarde, a appelé le président ukrainien Petro Porochenko après la nomination de Mme Gontareva pour lui réaffirmé son soutien.

La nomination de Mme Gontareva montre qu’il cherche “à nommer à des positions clés non pas des hauts fonctionnaires, mais des gestionnaires de crise”, souligne Vassyl Iourtchichine, analyste du groupe de réflexion Razoumkov.

Elle devra “garantir la stabilité monétaire du pays et protéger l’épargne de la population ainsi que garantir la bonne conduite du système bancaire ukrainien”, ajoute-t-il.

– le FMI plutôt que la Russie –

Un premier versement de trois milliards de dollars a permis à Kiev d’échapper à la faillite après des années de dégradation de sa situation financière brusquement accentuée par la profonde crise politique de l’hiver et le retrait du soutien financier russe à l’arrivée au pouvoir d’autorités pro-occidentales.

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à la tempête, la banque centrale a imposé des limites pour enrayer les retraits massifs par la population (Photo : Filippo Monteforte)

Face à la tempête, la banque centrale a imposé des limites pour enrayer les retraits massifs par la population et a augmenté de manière drastique son taux directeur à 9,5%.

Mais le pays reste en profonde récession, sous le coup d’une inflation qui atteint les 10%, la monnaie ayant perdu le tiers de sa valeur, avec un système bancaire extrêmement fragilisé.

Et à tout moment, la situation dans l’Est peut replonger l’Ukraine dans le chaos financier: la zone en proie à l’insurrection prorusse représente le poumon industriel du pays -même sinistré- et un cinquième de son produit intérieur brut.

Mme Gontareva, qui rentre dans le cercle de plus en plus large des femmes à la tête de banque centrale avec Janet Yellen aux Etats-Unis ou Elvira Nabioullina en Russie, n’a jamais caché son orientation européenne et favorable au FMI. Ce dernier a pourtant posé comme condition des réformes impopulaires comme une hausse drastique du prix du gaz ou le gel des retraites.

Dans un entretien donné début février au site ukrainien Liga.net, elle affirmait ne voir “que des côtés positifs” à un rapprochement avec Bruxelles et défendait les réformes du FMI “vitales pour l’économie ukrainienne”.

“Plus nous les mettrons en oeuvre vite, plus nous avancerons rapidement dans la bonne direction. Et en plus le FMI nous donne de l’argent pour cela. Cet argent a pour moi plus de valeur que celui apporté par la Russie, qui ne corrige en rien les déséquilibres de l’économie”, estimait elle.

L’expert Oleg Oustenko, de l’Académie nationale des Sciences, se félicite de l’arrivée à la banque centrale d’une représentante du monde des affaires avec des relations dans les milieux économiques internationaux.

“Sa première mission sera de faire reculer l’inflation, rendre le taux de change plus prévisible, renforcer la stabilité du système bancaire. Elle devra mettre en place des tests de résistance des banques, résoudre le problème de la recapitalisation des banques et rétablir la confiance dans le système bancaire pour mettre fin aux retraits des dépôts de ces derniers mois”, estime cet économiste.