Stages : les députés se penchent sur les abus, le Medef proteste

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à Paris le 13 novembre 2012 (Photo : Patrick Kovarik)

[19/02/2014 16:05:33] Paris (AFP) Ils sont devenus un passage obligé pour les étudiants, mais, malgré plusieurs tentatives de régulation, suscitent encore des abus: les députés examinent mercredi à l’Assemblée une nouvelle proposition de loi destinée à mieux encadrer les stages en entreprises, au grand dam du Medef.

Le nombre de ces stages a presque triplé en moins de dix ans, notamment à cause de leur généralisation dans les cursus de l’enseignement secondaire et supérieur: on en dénombrait 600.000 en 2006, il y en a aujourd’hui 1,6 million par an, selon le Conseil économique, social et environnemental.

Ils constituent une bonne opportunité pour entrer dans une entreprise, d’après une étude de l’Apec, qui montre que 20% des jeunes diplômés se sont vu proposer un emploi après un stage. Mais malgré quatre textes de loi depuis 2006, les dérives persistent.

Certaines entreprises utilisent “des stagiaires en substitution de salariés” ou leur imposent “des conditions d?activité défavorables”, note ainsi la députée du groupe Socialiste Républicain et Citoyen, Chaynesse Khirouni. Sa nouvelle proposition de loi s’efforce de mettre en ?uvre la promesse de campagne François Hollande de lutter contre les abus, sans “tarir les offres de stages”.

Elle pose notamment le principe d’une limitation du nombre de stagiaires en fonction des effectifs des entreprises, avec une amende en cas d’infraction. Cette limite serait fixée par décret en Conseil d?État.

“Ce plafond pourrait être de l’ordre de 10% et sera modulé en fonction de la taille de l’entreprise”, a indiqué la ministre de l’Enseignement supérieur, Geneviève Fioraso, au Monde.fr.

La proposition de loi prévoit aussi de renforcer les contrôles de l’inspection du travail et de rendre obligatoire l’inscription des stagiaires dans le registre unique du personnel. La durée des stages serait par ailleurs limitée à 6 mois.

– ‘Du stress’ pour les patrons –

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à Paris le 18 février 2014 (Photo : Eric Piermont)

Pour lutter contre les stages “photocopie-café”, un tuteur, responsable du suivi pédagogique du stagiaire, serait désigné dans l’entreprise et le principe d’une formation minimum serait inscrit dans chaque convention de stage.

Le texte entend également améliorer le statut des stagiaires, par exemple en exonérant d’impôt les gratifications qui leur sont versées. Aucune augmentation de ces gratifications (436 euros par mois minimum pour tous les stages supérieurs à deux mois) n’est en revanche prévue en fonction du niveau d’études, comme le réclame le mouvement de défense des stagiaires Génération Précaire. Selon la CGT, 69% des stages ne sont pas indemnisés (81% dans la fonction publique).

“Le stage est un outil de formation, pas un travail”, répond la députée, qui estime qu’une gratification plus forte se rapprocherait trop du Smic.

La commission des Affaires sociales de l’Assemblée a rajouté mercredi une disposition prévoyant l’inscription systématique dans la convention de stage de la possibilité de bénéficier de congés et d’autorisations d’absence pour tous les stages de plus de deux mois.

Le texte devait être examiné mercredi en fin de journée par les députés. Une centaine d’amendements ont été déposés.

La gauche y est globalement favorable. L’UMP et l’UDI sont décidés à voter contre. Les centristes craignent notamment que le nombre de stages offerts diminue à cause de ces nouvelles règles.

Le président du Medef, Pierre Gattaz, est lui très remonté contre ces “projets de loi qui sont autant de stress sur le dos des patrons”. “Au lieu de traiter des problèmes ponctuels, on fait une loi”, s’est-il insurgé, appelant à un “moratoire”.

L’objectif est de s’attaquer aux “pratiques déloyales” de certaines entreprises, a répliqué le porte-parole des députés PS, Thierry Mandon, rappelant que “de l’aveu même” du représentant du Medef auditionné par les parlementaires, “20% des stages” sont “des abus”.

La CGT, qui estime “au minimum à 100.000” le nombre d’emplois “dissimulés” sous couvert de stages, a appelé les parlementaires à ne pas “céder au chantage du Medef”.