Tunisie – Crise politique : Tout ce que déclare le patronat est politique…!

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Ceux qui estiment que l’UTICA n’a pas à se mêler de politique se trompent lourdement, car si la politique est devenue aujourd’hui le pain quotidien du Tunisien lambda, que dire alors d’une institution aussi prestigieuse que l’UTICA, laquelle a participé à la lutte pour l’indépendance et a réuni au sein de son premier bureau exécutif des militants tels que Ferjani Belhaj Ammar et Mohamed Ali Darghouth?

C’est ce qui explique que la veille du lundi 5 août, les représentants du secteur privé se soient réunis au siège de l’UTICA. Nous pouvons citer les Fédérations tunisiennes de l’hôtellerie (FTH) et de voyage (FTAV), les représentants de l’Ordre des experts-comptables de Tunisie, du Syndicat tunisien des agriculteurs (STA), de l’Institut arabe des chefs d’entreprise (IACE), des Chambres de commerce mixte, et des grands groupes du secteur privé tunisien du patronat.

Objectif: analyser la situation de l’économie tunisienne au vu des évolutions que connaît le pays depuis l’assassinat de Mohamed Brahmi.

Les participants à la rencontre ont approuvé la position de l’UTICA sur la crise actuelle que connaît la Tunisie aussi bien sur le plan politique que celui économique. Ils ont évalué l’impact des derniers événements advenus en Tunisie sur l’évolution de l’activité économique du pays, et la situation alarmante de l’économie nationale.

Ils ont souligné dans ce cadre que plusieurs secteurs d’activités, notamment le tourisme et le marché financier…, ont subi des dommages très conséquents après l’assassinat de Mohamed Brahmi et l’embuscade du Mont Chaambi, notant que ces conséquences risquent de s’aggraver davantage si l’on ne prend pas les mesures nécessaires pour rassurer les citoyens et les investisseurs et partenaires étrangers dans les plus brefs délais.

Ils ont également appelé à la formation, dans l’urgence, d’un gouvernement de compétences nationales qui sera chargé d’assurer la sécurité et la stabilité nécessaires pour réussir la relance de l’économie tunisienne et réussir les prochaines échéances politiques du pays.

Les présents ont mis l’accent sur l’importance de fédérer les efforts de toutes les Forces vives de la Tunisie afin d’éviter au pays une situation plus grave sur les plans économique et sociale si l’on ne met pas fin à la tension politique qui persiste depuis un certain temps, notamment à travers la formation d’un nouveau gouvernement de compétences nationales, la révision des dernières nominations dans l’administration publique, la rédaction et l’adoption dans les plus brefs délais de la nouvelle Constitution et la fixation de la date des prochaines élections.

Il y a un mois, les observateurs économiques estimaient que la situation pouvait évoluer dans le bon sens: “En économie, une dose d’optimisme est souhaitable pour ouvrir des perspectives aux opérateurs, mais la règle veut que cet optimisme soit mesuré et que les hypothèses sur lesquelles se base cet optimisme aient quelques chances de se réaliser. Décidément ce n’était pas le cas au vu de l’optimisme démesuré de la lettre d’introduction du rapport annuel de la Banque centrale de Tunisie du mois de juin dernier”.

Une économie à la dérive et on refuse à l’UTICA le droit de prendre position

L’économie n’est plus sur le chemin d’une croissance élevée, durable et équitable, surtout suite à l’assassinat de Mohamed Brahmi et les attentats perpétrés à l’encontre des soldats dont le nombre de décès a été porté à 12 à ce jour et dont les répercussions ont été des plus mauvaises sur l’image de la Tunisie à l’international.

“Le gouverneur de BCT vit dans un autre pays ou une autre époque. D’ailleurs l’utilisation même du terme “sentier de croissance -terme cher à Chedly Ayari des années 1970, en dit long; sachant que ce terme ayant quasiment disparu de la littérature économique moderne. Mais regardons le fond des choses, la lettre introductive précise qu’on peut miser sur la capacité de rebondissement de l’économie tunisienne au cours des prochains six mois en vue d’inscrire la Tunisie dès 2014/2015 dans l’orbite d’une croissance élevée durable et équitable. De quelle capacité parle-t-il? Sait-il que depuis quasiment trois ans il n’y a plus d’investissements privés, que le nombre d’entreprises étrangères est en train de baisser, que même les investissements publics marquent le pas?”.

Rappelons à ce propos que les projets d’infrastructure financés et engagés avant 2011 n’avancent pas. Comment la Tunisie va rebondir dans ce cas sans ces préalables économiques? “Pire, expliquent les experts, les préalables sécuritaires politiques et sociaux n’existent pas. Pour dire les choses crûment, avec le recul des investissements trois années de suite, la croissance potentielle en Tunisie ne dépassera plus les 3%. Le gouverneur de la BCT, qui citait l’inflexion remarquable de l’année 2012 avec un taux de croissance plus élevée du PIB, l’arrêt de la progression du taux de chômage et la nette amélioration du stock des réserves en devises -entendez grâce à la BCT comme ce fut le cas pour la récupération des fonds de la famille de Ben Ali de l’étranger -quant à la croissance”.

Il n’est pas sans intérêt de rappeler également qu’il faut que l’augmentation provienne après une baisse et que donc une bonne partie de la prétendue croissance relève plutôt de la correction technique et qu’au delà de cela, la croissance s’explique par la bonne saison agricole. “Mais ceci ne reflète nullement un effort particulier et des recrutements dans l’administration dont les salaires sont comptabilisés comme valeur ajoutée, et c’est là une croissance malsaine qui relève des solutions de facilité. Au sujet de la stagnation du chômage, il faut savoir qu’il s’agit des données de l’enquête emploi qui sont sujettes à des réserves sérieuses lorsque l’on sait que cette même enquête a montré que la demande additionnelle d’emploi provenant des jeunes n’a pas augmenté durant la même période de référence”.

Par miracle, estime-t-on ou par des départs massifs de jeunes tunisiens à l’étranger comme l’a si bien expliqué, il y a quelques semaines de cela, le professeur Hassine Dimassi, il y a un prétendu recul du chômage.

Enfin, concernant ce que le gouverneur appelle la nette amélioration du stock des réserves en devises, il faut rappeler qu’elle n’est pas aussi nette que cela si on la traduit en termes de nombre de jours d’importation; et chose plus grave, le gouverneur semble oublier qu’il s’agit là du pur produit de la dette et qu’en dehors de l’endettement le stock des réserves aurait continué sa descente à l’enfer. Et au delà de tout, le gouverneur ne dit rien sur les moyens à mettre en oeuvre pour résoudre le problème de la dette.

Comment, dans ce cas, la Tunisie peut retrouver ses équilibres fondamentaux, ceux qui ont toujours fait sa force? Comment réussira-t-elle à mettre en place une politique monétaire efficace et préserver la stabilité du dinar -condition nécessaire pour attirer les IDE? Comment peut-on, dans ce cas, reprocher â l’UTICA d’intervenir dans la chose politique alors que ce sont les mauvaises décisions politiques qui causent la régression économique?

In fine, comment peut-on reprocher à l’institution la plus représentative du patronat de prendre position alors que certains hommes d’affaires n’épargnent ni efforts ni argent pour soutenir Ennahdha sans oublier l’UTAP qui leur est apparemment totalement acquise? Quand sortirons-nous de la logique “hlal alikom, hram alina”?