Thatcher laisse un héritage économique très controversé

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Angleterre, le 9 avril 2013 (Photo : Paul Ellis)

[09/04/2013 10:59:02] LONDRES (AFP) Margaret Thatcher a laissé au Royaume-Uni un héritage économique aussi controversé que sa personnalité, fait de succès notables au prix d’un renforcement des inégalités et de l’émergence d’une finance sans contrôle.

Ses successeurs, que ce soit le travailliste Tony Blair ou l’actuel Premier ministre conservateur David Cameron, ont repris à leur compte une partie de l’héritage de la Dame de fer, en mettant l’accent sur l’initiative individuelle, la dérégulation et l’importance du secteur privé dans l’économie.

“Elle a changé l’économie et la société britanniques à de nombreux points de vue” et laisse un héritage qui divise le pays, souligne Tony Travers, professeur à la London School of Economics.

Son gouvernement a ainsi décidé en 1986 le “big bang”, une dérégulation spectaculaire et brutale du secteur financier, qui a permis à Londres de s’imposer comme la première place financière incontestée en Europe aujourd’hui.

Mais la crise a depuis montré le danger de marchés laissés livrés à eux mêmes, avec le pouvoir de déstabiliser des pays entiers. Si bien que l’heure est actuellement au retour des règlements pour mieux les encadrer – y compris parmi les conservateurs.

Les bonus parfois faramineux versés à certains employés du secteur de la finance sont aussi devenus le symbole d’une société à deux vitesses, dans un pays où les ménages sont soumis à l’austérité.

Elle a aussi lancé en 1986 un plan destiné à encourager la détention d’actions par les individus. “C’était le complément de sa politique de privatisations, qui était considérée comme un élément crucial du thatchérisme”, rappelle Adrian Lowcock, du courtier Hargreaves Lansdown.

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la mort de Thatcher, le 8 avril 2013 (Photo : Carl Court)

La privatisation d’entreprises comme British Gas, British Telecom ou British Airways a donné naissance à de puissants groupes: Centrica, BG Group, BT, IAG – le groupe aérien qui chapeaute également la compagnie espagnole Iberia.

La libéralisation du marché ne s’est cependant pas toujours accompagnée de bénéfices pour les consommateurs, pourtant censés profiter d’une augmentation de la concurrence. Les prix de l’énergie flambent par exemple actuellement pour les ménages, alors que six grandes firmes privées se partagent le marché.

L’économie britannique est également devenue très dépendante du secteur des services, malgré les tentatives du gouvernement actuel pour rééquilibrer l’économie, et son industrie autrefois florissante a décliné ou est en partie passée sous pavillon étranger.

“Elle voulait se débarrasser de ce qu’elle considérait comme des pratiques syndicales d’un autre âge, se débarrasser d’industries nationalisées qui perdaient de l’argent et demandaient de lourdes subventions publiques et moderniser l’industrie britannique”, rappelle M. Travers.

Ces transformations sans compromis ont culminé dans une violente et emblématique grève des mineurs, qui s’est terminée par la victoire de M. Thatcher mais a laissé un goût amer pour une partie de la population.

“Nous avons longtemps attendu la nouvelle du décès de Mme Thatcher et je ne peux pas dire que cela m’a désolé”, a réagi Chris Kitchen, du Syndicat national des mineurs (NUM), après l’annonce de sa mort.

“Ses idées ont toujours de l’influence aujourd’hui, des politiques d’avidité et de profit avant tout. Je peux seulement espérer que ses politiques seront enterrées avec elle”, a-t-il ajouté.

Le patronat s’est pour sa part montré beaucoup plus enthousiaste quant à l’oeuvre de Margaret Thatcher, soulignant ses efforts de modernisation. Elle “a sorti le Royaume-Uni de la zone de relégation économique et l’a fait monter en première division”, a salué John Cridland, le responsable de la confédération patronale CBI.

“La Grande-Bretagne a eu de la chance d’avoir un Premier ministre qui comprenait l’importance des entrepreneurs, des aspirations individuelles et du monde des affaires. Elle nous manquera amèrement”, a aussi jugé Simon Walker, dirigeant de l’Institut des directeurs (IoD), une organisation de dirigeants d’entreprises.