Le modèle tunisien et la menace terroriste

Par : Autres


terrorisme_tunisie-19012013451-l.jpgLes
événements du Mali et ceux encore plus proches de nous en Algérie avec la guerre
déclarée contre les groupes djihadistes, qui ont réussi à prendre le nord du
Mali comme base de leur installation dans ce qu’ils appellent le «Maghreb
islamique», nous font tous poser des questions très pressantes sur l’évolution
des islamistes vers la violence armée et «le jihad» même contre les citoyens de
leurs propres pays.

Nous sommes en droit de nous poser ces questions car, d’abord nous avons un
parti islamiste au pouvoir même s’il ne prône pas le Djihad ouvertement, nous
avons également des groupes
salafistes qui, en majorité, considèrent la
population tunisienne comme non croyante, et du coup ils peuvent facilement -et
ils l’ont fait- prendre les armes pour nous remettre tous sur le bon chemin.

D’ailleurs, les forces de sécurité ont révélé cette semaine l’existence des
cachettes et de dépôts d’armes dans le gouvernorat de Médenine après les
accrochages et les poursuites des groupes armés dans la région de Fernana à
Kasserine, et après tous les événements que nous connaissons à Rouhia puis à Bir
Ali Ben Kahalifa en 2012.

Ces informations n’arrangent en rien le climat déjà délétère dans notre pays,
caractérisé par la poursuite des agissements des extrémistes de tout bord sur la
scène publique. L’impact de la campagne de l’armée française au nord du Mali ne
s’est pas fait attendre, et voilà que l’ambassade de France déconseille à ses
ressortissants de fréquenter le sud tunisien et surtout les régions
frontalières, celles où le tourisme saharien est en pleine haute saison…

Mais au-delà de l’événementiel dans ce registre, c’est surtout le débat sur
cette idéologie violente chez les extrémistes «musulmans» qui doit aujourd’hui
être ouvert sur la scène publique en Tunisie. La violence commence par
l’exclusion et le refus de l’autre, et nous avons des exemples flagrants de
cette exclusion avec l’incendie du mausolée de Sidi Bou Saïd dernièrement, le
mausolée de Sid Ali Hachani à Menzel Abderrahmane (Bizerte) a été brûlé dans la
nuit du jeudi 17 janvier), et les sorties violentes des LPR –pour Ligues de
protection de la révolution- lors de la commémoration du deuxième anniversaire
de la révolution.

La violence verbale est le premier stade du virement de ces individus vers la
violence armée, et chaque fois que des extrémistes sont arrêtés dans des
événements similaires, on retrouve le même itinéraire qui commence par la
véhémence verbale et finit par les armes!

La Tunisie et les Tunisiens ont développé, au cours de l’histoire, une approche
et une pratique de la religion qui se caractérisent par son ouverture et sa
tolérance. L’Independence a encore plus enraciné ces valeurs et a ajouté une
dimension « d’Ijtihed» moderniste avec le Code du statut personnel (CSP) et la
mise en place d’une séparation des sphères du sacré et du profane même si l’Etat
est déclaré «islamique» et défenseurs des cultes.

D’autre part, une tradition «soufi» s’est enracinée dans le pays et une pratique
aujourd’hui millénaire fait que chaque ville ou village du pays a son «saint»
protecteur dont le mausolée est fréquenté par les croyants et vénérés par le
peuple. Même Bourguiba avec son projet moderniste a dû reculer devant toute mise
en cause du «maraboutisme» et des pratiques de ce qu’on a appelé «l’islam
populaire».

Ben Ali s’en est même emparé pour combattre le Mouvement de la Tendance
Islamique (ancêtre d’Ennahdha) au début des années 90. L’expansion de
l’idéologie wahhabite, qui s’est faite à partir de l’Arabie de Ben Saoud et
leurs pétrodollars, fait qu’aujourd’hui on s’attaque à ce modèle tunisien dans
ses deux dimensions névralgiques, à savoir l’islam populaire et la tendance
moderniste de l’Etat et son caractère «civil» pour ne pas dire ouvertement laïc!

Sur ce point, les islamistes, qu’ils soient modérés du parti
Ennahdha ou
extrémistes
salafistes et même nahdhaouis, ne sont pas différents. Ils
stigmatisent tous la pratique de l’Islam tunisien et veulent nous faire adopter
le modèle des Saoudiens et sa lecture de la religion.

Ici on est devant un vrai projet de société prôné par les frères musulmans et
financé par les pays du Golfe, Arabie Saoudite et Qatar en tête, même s’ils ne
sont pas d’accord sur le leadership.

Les djihadistes violents ne diffèrent guère des autres sauf pour leur rejet des
Occidentaux, sinon ils bataillent pour les mêmes valeurs. D’où la crainte
grandissante aujourd’hui de voir le pays infesté par les
salafistes et autres
djihadistes combattants les armes à la main et tuant tous ceux qui ne sont pas
d’accord, et évidemment journalistes et leaders politiques démocrates en tête.

Alors, dans ce contexte local et régional, il nous faut absolument démontrer
tous notre attachement à notre modèle et réussir cette période transitoire avec
la mise en place d’un Etat démocratique et civil afin de pouvoir combattre
franchement contre la violence et l’exclusion qui nous menacent et menacent les
acquis de la République.