Tunisie : Des réformes… il y en a eu à la BCT, affirme Kamel Nabli

mustapha-nabli-160712-220.jpgLe respect des institutions… Mustapha Kamel Nabli en parle avec force conviction. Un ton nouveau dans un pays où la sacralisation des personnes a pris le pas sur le respect des institutions et où, pendant des décennies, les citoyens craignaient plus les individus que les lois.

A entendre le gouverneur de la Banque centrale s’exprimer et s’expliquer face au charivari présidence/gouvernement à propos de son limogeage ou son maintien à son poste, on se croit dans un pays où les institutions ont perdu toute raison d’être, chacun agissant selon son bon vouloir, sans se soucier de la règle commune et des hauts intérêts du pays.

C’est à se demander qui se place derrière la volonté indéfectible d’un président de la République, pas vraiment expert en économie ou en relations internationales, de limoger un dirigeant d’une institution nationale qu’est la BCT, un dirigeant qu’il n’a jamais eu l’occasion de rencontrer, même dans le cadre de l’obligation de présentation au chef de l’Etat des rapports d’activités de la BCT.

Qu’arrive-t-il donc à notre cher président pour que le limogeage du gouverneur de la BCT devienne une question –presque- de vie ou de mort alors que le contexte socioéconomique tunisien ne supporterait pas de nouveaux bouleversements?

Personne n’est indispensable. Soit! Mais que les raisons invoquées pour limoger, nommer ou remplacer un haut fonctionnaire de l’Etat soient évoquées, explicitées et argumentées. Car, on ne dirige pas un pays par des caprices, même lorsque nous n’avons pas des prérogatives….

Le respect des institutions, pierre angulaire de la stabilité de n’importe quel pays, et garantes de la permanence d’un Etat que l’on veut démocratique, se doit d’être défendu par le président de la République lui-même et non pas bafoué au nom de raisons que lui seul connaît…

Le gouvernement reproche faute de questionner

Il est tout à fait naturel de rendre compte de ce que l’on fait aux représentants du peuple ou au gouvernement des réalisations et des décisions prises suivant certaines modalités et procédures. Et d’ailleurs, loin de la propagande politico-politicienne, la BCT affirme faire sa propre révolution, n’attendant pas des directives pour entamer les réformes, assainir le système financier ou améliorer la performance des banques.

Réformer le fonctionnement interne de la BCT

Les réformes, nous affirme-t-on, ont déjà démarré par la mise en place d’un programme technique d’assistance à la BCT pour l’amélioration du cadre opérationnel de la politique monétaire.

La manière dont étaient effectuées les opérations, les appels d’offres et la gestion des créances, tout a été revu dans le sens de leur adaptation aux normes internationales.

Un comité de politique monétaire a été créé au sein de la BCT pour étudier stratégiquement et de façon systématique toutes les opérations de la politique monétaire d’un point de vue technique pour la mise en place d’une politique prospective. La BCT sera assistée dans ce programme par trois Banques centrales, à savoir la Banque de France, de Pologne et de Suède.

Le FMI et la Banque mondiale mettront également la main à la pâte pour ce qui est de l’évaluation du système financier y compris bancaire, le but étant de développer des traditions de bonnes pratiques et une meilleure gouvernance.

Le dispositif prudentiel destiné à mieux appréhender les risques bancaires, principalement Bâle II et Bâle III, sera mieux appliqué, souligne le gouverneur de la BCT. L’objectif est d’éviter que les banques ne prennent des engagements excessifs vis-à-vis de leurs clients. «La BCT ambitionne, en effet, d’augmenter le ratio de solvabilité de 8% en 2011 à 9% en 2013 et de 10% en 2014». «Nous voulons, rappelle Mustapha Kamel Nabli, établir de nouvelles règles de concentration des risques».

Sur un tout autre volet, des mesures spécifiques ont été prises pour consolider les fonds propres des banques, et la gestion des réserves de changes «restée archaïque et conservatrice».

La BCT a mis en place un comité de gestion de réserves de change pour une meilleure concertation, plus de sécurité et un meilleur rendement. «Un fonds de 200 millions de dollars sera confié à une firme internationale, dans le but de comparer nos performances en la matière par rapport aux meilleures pratiques».

Améliorer la gouvernance

Un autre chantier a également été engagé à la BCT, celui de la gestion des autorisations touchant aux opérations de change, à leur assouplissement, leur simplification et à la réduction des délais.

Pour pouvoir réussir ses ambitions de réformes, la BCT doit, elle-même, être restructurée dans le sens d’une meilleure efficience et une meilleure gouvernance. «C’est ce qui explique le renforcement des structures d’audit et de contrôle général, lesquelles doivent rendre compte devant le Conseil d’administration et dépendre directement du gouverneur».

La BCT est décidée à aller de l’avant dans ses réformes et surtout dans l’amélioration aussi bien de sa gouvernance que celle des banques de la place sans pour autant intervenir dans leur gestion. «Nous intervenons rarement dans le gel des comptes bancaires sauf quand il y a des soupçons de blanchiment d’argent. Quant aux opérations de gel systématique de certaines personnes ou proches de l’ancien gouvernement, elles ont pris fin au mois de mars quand les autorités judiciaires ont pris en main les dossiers. D’ailleurs, nous n’intervenons que sur instruction de la justice».

L’économie tunisienne doit envoyer des signaux rassurants

L’économie tunisienne, dans sa situation de fragilité actuelle, a besoin de rassurer aussi bien les opérateurs locaux qu’étrangers par des décisions sensées et réfléchies. «La reprise est inégale entre les différents secteurs, les performances du secteur textile, les exportations manufacturières, ainsi que le secteur des mines et des hydrocarbures, ont reculé».

En revanche, les transferts des Tunisiens à l’étranger ont augmenté et les indices en matière de réalisations touristiques sont positifs.

Rien n’est donc perdu, mais rien n’est non plus gagné, estime Mustapha Kamel Nabli, en l’absence d’une visibilité politique claire, d’un calendrier politique précis, notamment en ce qui concerne la tenue des prochaines élections.

A quand la remise à l’heure des pendules?