Internet, un Eldorado pour les produits de luxe contrefaits

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objets contrefaits (Photo : Valéry Hache)

[30/05/2012 15:25:59] PARIS (AFP) Le commerce sur internet est devenu en quelques années un nouvel Eldorado pour le trafic de contrefaçons, bête noire des fleurons du luxe qui tentent à grand peine de mobiliser pour le contenir.

Depuis cinq ans environ, le développement de l’e-commerce a fait exploser le trafic des contrefaçons et permis sa professionnalisation, via des sites créés très facilement et qui mutent à mesure qu’on les traque, déplore le Comité Colbert, qui réunit 75 grands noms français du luxe comme Louis Vuitton ou Hermès.

“Au total, les contrefaçons représentent pour les groupes de luxe un manque à gagner d’au moins 10% du chiffre d’affaires”, estime sa présidente Françoise Montenay, qui préside aussi le conseil de surveillance de Chanel.

Le Comité Colbert a lancé mercredi une vaste campagne contre la contrefaçon, déclinée en affiches dans les aéroports de sept pays d’Europe.

“Croissance exponentielle” du trafic sur internet

Mais il avoue sa peine face à la “croissance exponentielle” du trafic sur internet. “C’est beaucoup plus difficile à appréhender que ce que nous connaissions dans le passé”, selon sa déléguée générale Elisabeth Ponsolle des Portes.

“Auparavant, on identifiait assez bien la production en Chine, puis le transit des produits par Dubaï et le départ par bateaux vers l’Europe, les Etats-Unis… Aujourd’hui, nous avons affaire à quelque chose de très différent, on reçoit à domicile sur internet les propositions de produits contrefaits”, ajoute-t-elle.

Dans l’Union européenne, les saisies douanières de contrefaçons ont été multipliées par deux entre 2009 et 2010, atteignant plus de 103 millions d’articles saisis en 2010, pour 1,1 milliard d’euros.

85% des articles saisis proviennent d’Asie, presque exclusivement de Chine.

Dans le monde, la contrefaçon et le piratage sont responsables en 2010 d’une perte de 186.600 emplois et de 60 milliards d’euros en termes de recouvrement de TVA dans les pays du G20.

“Il y a une extrême adaptabilité des trafiquants, qui suivent la mode voire l’anticipent”, relève Erwan Guilmin, de la Direction régionale des douanes de Paris-Ouest.

Le Comité Colbert rêve d’obtenir un ralliement massif des plate-formes d’e-commerce à la charte de lutte contre la contrefaçon lancée fin 2009, que seules quelques unes ont signée.

Sur PriceMinister.com, 54% des contrefaçons détectées en 2011 concernaient des articles de mode, maroquinerie, montres, parfums et cosmétiques.

EBAy opposé à LVMH

EBay, non signataire de la charte et opposé à LVMH dans un bras de fer judiciaire sur la vente de produits contrefaits, explique dans son rapport 2011 “essayer sans cesse d’améliorer ses efforts pour éliminer les contrefaçons”. Son centre de lutte contre la cybercriminalité basé en Allemagne suspend chaque année des dizaines de milliers de comptes d’utilisateurs.

Mais le trafic est très difficile à évaluer. Des centaines de sites internet diffusent des faux, et rares sont ceux pouvant garantir l’absence de contrefaçons, reconnaît le Comité Colbert.

Il mise du coup sur les opérateurs bancaires et cite l’exemple des Etats-Unis, où American Express, Visa, Mastercard et PayPal ont accepté l’an dernier de se mobiliser pour assécher notamment les solutions de paiement en ligne sur des sites suspects.

“Mais en France, les banques ne se sentent pas concernées. On a demandé à chaque président du Comité Colbert d’écrire à son banquier. Seule la Société Générale a répondu”, déplore Françoise Montenay.

Mme Ponsolle des Portes espère que “la solution viendra de Bruxelles”, où la Commission européenne planche sur le sujet.

Sidney Toledano, le patron de Dior, appelle à la raison les consommateurs, qui “achètent consciemment” de faux produits de luxe, malgré “parfois de gros moyens”. “Ce ne sont pas les Chinois qui consomment des produits contrefaits, mais les Européens. Or “la contrefaçon tue la création, de la même manière que le tabac tue”.