La Chine délocalise des entreprises en Ethiopie pour réduire ses coûts

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éthiopiens assemblent des chaussures à Addis Ababa (Photo : Aaron Maasho)

[20/05/2012 06:57:30] DUKEM (AFP) Dans le ronronnement continu des machines, une centaine d’ouvriers éthiopiens découpent sans relâche du cuir, enfilent des lacets et collent des semelles, sous la supervision de contremaîtres chinois.

Avec cette usine, des entrepreneurs chinois entendent bénéficier du faible coût de la main d’oeuvre africaine et de la matière première, le cuir, pour fabriquer des chaussures qui seront vendues en Europe et aux Etats-Unis.

L’usine de Huajian est installée à Dukem, à 30 km au sud d’Addis Abeba, dans une zone industrielle en plein développement, la première construite en Ethiopie par des capitaux chinois.

Après s’être concentrée sur la construction d’infrastructures et l’exploitation des matières premières, notamment le pétrole, en Afrique, la Chine commence à y chercher des coûts salariaux avantageux pour son industrie.

Quant à l’Ethiopie, elle y gagne une diversification bienvenue pour son économie largement agricole.

Un marché gagnant-gagnant, donc, selon Qian Guoqing, vice-directeur de la East Industry Zone: “les deux parties ont un engagement réciproque, elles disent +tu devrais avoir quelque chose, je devrais obtenir quelque chose”.

Une fois achevée en 2014, pour un coût de 250 millions de dollars, la zone industrielle, dont la construction a commencé en 2009, doit regrouper plus de 80 usines et créer 20.000 emplois.

Pour l’heure, elle compte plusieurs rangées de bâtiments de trois étages abritant six usines à capitaux chinois, dont, outre celle de Huajian, une chaîne de montage automobile et une fabrique de plastique.

Huajian, un des plus importants fabricants chinois de chaussures, prévoit d’investir jusqu’à 2 milliards de dollars en Ethiopie pour fabriquer des souliers destinés à l’exportation vers l’Europe et l’Amérique du Nord.

Afin d’attirer les investisseurs étrangers dans le cadre d’un “plan de croissance” destiné à faire de leur nation un pays à revenu intermédiaire d’ici 2025, les autorités éthiopiennes offrent quatre ans d’exonérations fiscales, des terrains bons marchés et l’électricité gratuite aux occupants de la zone industrielle.

Main d’oeuvre peu chère

Mais investir en Ethiopie “n’est pas une stratégie sans risque”, prévient Stefan Dercon, économiste spécialisé dans le développement à l’Université britannique d’Oxford.

L’Ethiopie va devoir maintenir des taux de croissance élevés afin de rembourser les investissements de départ. “Si cela ne fonctionne pas, les espoirs vont s’évanouir très rapidement, les deux ou trois prochaines années sont donc cruciales pour le processus dans son ensemble”, selon lui.

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éthiopien assemble des chaussures à Addis Ababa (Photo : Aaron Maasho)

“Nous devons avancer rapidement, notre ennemi est la pauvreté”, rétorque le ministre d’Etat éthiopien à l’Industrie, Tadesse Haile, “quiconque nous demande de ralentir accepte la pauvreté”.

Avec un PIB par habitant estimé à 325 dollars par l’ONU, l’Ethiopie figure toujours parmi les plus pays africains les plus pauvres, en dépit d’une croissance parmi les plus dymaniques du continent (+11% au cours de chacune des six dernières années selon la Banque mondiale).

Les investissements étrangers “génèrent de la croissance, de l’emploi (…) cela nous permet aussi de fabriquer des produits pouvant être exportés, ce qui amène des devises et des transferts de technologie”, soutient M. Tedesse.

Mais de nombreux problèmes subsistent: réseaux de télécommunications déplorables, bureaucratie pesante et absence de port dans ce pays enclavé, sans accès à la mer.

Paul Lu, directeur des ressources humaines de Huajian, recense, lui, les différences culturelles, la barrière de la langue et le manque de conscience professionnelle d’une bonne partie du personnel local. Mais ces obstacles sont compensés par l’abondance de matière première et de main d’oeuvre, peu chère alors que les salaires augmentent en Chine.

“Nous sommes venus fabriquer des chaussures et (…) l’Ethiopie produit beaucoup de cuir”, poursuit-il devant l’entrée de l’usine où une vingtaine de personnes attendent pour un entretien d’embauche.

Dans l’usine, Teju Edek, 22 ans, contrôleur qualité, payé 30 dollars par mois, se plaint que “le salaire est trop bas”. Il dit travailler ici surtout pour “développer ses connaissances technologiques” et ajoute que, s’il pourrait gagner plus dans des usines éthiopiennes, il n’y apprendrait pas autant.

Pour Tafere Getie, gestionnaire d’une des usines de la zone, le vrai bénéfice de ces investissements se verra à long terme: “J’espère que les Ethiopiens qui travaillent dans les usines étrangères aujourd’hui possèderont leur propre industrie d’ici 20 ans”.