Tunisie – Logistique : Jouer la carte de la compétitivité

ttig-150512.jpg«Même si la Tunisie est très proche, les industriels français ne viendront pas s’ils ne trouvent pas une compétitivité qui leur soit favorable», déclare Claude Tétard, président de l’Union Française des Industries de l’Habillement, lors de la conférence organisée le 15 mai 2012 par le Tunisian Textile Intelligence Group (TTIG) sur «la logistique, facteur clé de compétitivité du secteur textile et habillement».

Une manifestation qui a pour objectifs de donner un bilan sur la performance du secteur logistique, essentiellement dans le secteur textile et habillement, l’un des grands exportateurs en Tunisie. Mais la réalité s’est avérée autre. Car, les intervenants se divisaient entre ceux qui trouvent que les services logistiques sont satisfaisants et ceux qui les trouvent vétustes et manquent de rigueur. «On s’est limité au constat qui n’est pas, d’ailleurs, assez précis. On a plutôt besoin d’une analyse!», regrette un consultant présent dans la salle.

De longs délais…

Point de vue d’un industriel, Nafaâ Ennaifer, PDG du groupe TFCE, «de la conception du produit à la livraison de la commande au client, les délais d’acheminement (coupe-types, prototypes, têtes de série, matières premières, produits finis) sont souvent plus longs que les délais de réalisation des échantillons et de la production», indique-t-il.

Selon lui, la réception d’une coupe-type par poste rapide prendrait 3 à 4 jours; de même pour la livraison du prototype au client (France), l’acheminement d’un tissu d’Europe (Port de Radès) prendrait 2 à 3 jours, la même période pour le dédouanement en A.T. du tissu par camion. Des délais qui nuisent à la performance de l’entreprise tunisienne face à ces clients étrangers, «pour lesquels la célérité de réponse et le délai de livraison passent désormais avant l’argument prix», estime M. Ennaifer.

Il ne manque pas de noter que la réception en France d’un Chronopost de Chine ou du Maroc ne prend qu’une seule journée. Un avis que partage Aymen Hergli, futur directeur d’Oxylane Tunisie, qui affirme que le temps de transport de quai à quai dure 5 jours, soit 2 jours de plus que le Maroc.

Lacunes…

D’un autre côté, Abdelatif Hamam, PDG du Centre de Promotion des Exportations (CEPEX), affirme que les coûts logistiques s’élèvent à 20% du PIB en Tunisie, soit un coût de l’ordre de 10 milliards de dinars en 2012 contre 15% en Turquie et entre 7 et 10% pour les pays européens. Le surcoût est estimé à plus de 5 points du PIB. Pour l’entreprise tunisienne, ce coût est de 16% en moyenne contre une moyenne de 10% pour les entreprises tunisiennes.

Il ajoute que parmi les critères majeurs identifiés par les opérateurs européens pour décider de commercer avec la Tunisie, les infrastructures locales de transport sont en tête de liste, suivies par la desserte internationale du pays et la proximité et la réactivité.

Pour Meher Kchouk, président de la Fédération Tunisienne du Transport et de la Logistique (FTTL), la logistique est un secteur qui est encore à «l’état embryonnaire». Il connaît plusieurs difficultés, entre autres l’absence d’un cadre juridique approprié, une faible externalisation des entreprises, une infrastructure logistique déficiente. Ajoutons à cela l’absence d’harmonisation avec les pays voisins, un savoir-faire tunisien de faible niveau et une indisponibilité du financement.

Il souligne que le secteur manque de spécialistes et de professionnels. «Il existe de centres de formation mais qui n’ont pas été mis à jour», estime-t-il. Les maillons faibles du secteur se résument, selon M. Kchouk, dans des infrastructures aéroportuaires vétustes, un réseau ferroviaire quasi-inexistant, une réglementation et interprétation douanières non appropriées et des outils informatiques inadaptés.

Mais Samir Haouet, directeur général du Centre Technique du Textile, affirme que le tableau dressé est trop noir. «Il ne faut jamais dramatiser une situation perfectible», signale-t-il en lançant qu’«il y a certes des difficultés, mais on peut toujours améliorer. Il n’y a pas que des points noirs».

Décongestionner…

Ces améliorations concerneront, selon M. Hergli, la modernisation de la flotte et la dématérialisation des procédures de dédouanement. Ce que rejoint M. Kchouk qui appelle à la création de zones d’activités logistiques, la mise en place de mécanismes de financement incitatifs et la création de filières spécialisées.

Pour le port de Radès, qui constitue le point névralgique pour les exportations du textile et habillement, les experts recommandent, selon M. Hamam, de réorganiser la chaîne logistique qui représente 85% du flux «contenaires» et presque 100% du flux «remorquages». Il s’agit aussi de décongestionner le port en créant des «ports secs» dans la continuité des zones industrielles, sachant que la congestion coûte actuellement à la Tunisie 1 million de dinars par jour.

Sur le moyen et le long termes, les experts recommandent de doter le pays d’un port de transbordement en eau profonde qui profèrerait un gain potentiel par contenaire à l’import comme à l’export. On appelle également à valoriser les métiers de la logistique.

Jean-François Limantour, président du Tunisian Textile Intelligence Group, ajoute une note d’optimisme. Il affirme que «la Tunisie a de bonnes conditions logistiques mais elle doit maintenant passer à une position d’excellence. Elle doit être en pôle position par rapport aux pays euro-méditerranéens», en soulignant que les coûts de production deviennent de plus en plus compétitifs et que les marchés à l’export croissent à un rythme accéléré. «Il faut faire preuve de flexibilité et régler les dysfonctionnements!».