Tunisie : La finance islamique pour relancer l’économie!!

finance-islamic-1412.jpg«L’action fondamentale et prioritaire de notre nouveau gouvernement est de prévoir une loi sur les banques islamiques. Il faut le faire très vite. Cet instrument permettra d’attirer les capitaux islamiques étrangers qui sont très utiles dans cette phase de développement et de créations d’emplois. Il s’agit même d’un instrument de relance rapide de l’économie tunisienne», conseille Ahmed Karm, directeur général d’Amen Bank, lors du séminaire organisé mercredi 14 décembre 2011 par la Banque africaine de développement (BAD) à l’occasion de la parution de son rapport sur les services bancaires et finance islamiques en Afrique du Nord.

L’intelligence veut que l’Etat s’occupe de ce marché et le traite avec dignité et qu’on lui offre effectivement les services qui puissent satisfaire ses besoins. Mais au-delà de la question religieuse, se pose également la question de la liberté. «Il n’est plus permis maintenant d’interdire certains types d’opérations. Il faut que le marché s’exprime et que nous puissions nous organiser en conséquence», suggère M. Karm.

Confirmant cette proposition, le banquier a tenu à préciser qu’il a constaté que la monnaie fiduciaire (la monnaie qui circule sous forme de billets de banques) s’élève actuellement à 6,8 milliards de dinars en progression de 22% cette année, alors que les dépôts bancaires classiques n’ont augmenté que de 1%, c’est-à-dire qu’il y a un gisement énorme d’épargne. Donc, certaines personnes préfèrent garder leur monnaie en billets au lieu de la passer à la banque. «C’est dangereux et ce n’est pas du tout utile pour le développement de l’économie», réplique M. Karm.

Il faut dire à cet égard que la situation rend ce type d’exercice complexe. Tout d’abord, il n’existe pas une loi qui régit la finance islamique en Tunisie, et à défaut de loi, les banques devaient, toujours selon M. Karm, faire preuve d’un «peu d’artisanat» via des pistes qui sont possibles, mais en même temps coûteuses.

Parmi ses pistes, le DG d’Amen Bank a évoqué la possibilité de transformer une banque classique existante en une banque islamique. «C’est une déclaration stratégique qui pourrait être faite par les actionnaires, mais il s’agit en fait d’un processus très laborieux, et ça prendra beaucoup de temps pour changer les habitudes et former le personnel», ajoute-t-il.

Par ailleurs, la création au sein d’une banque traditionnelle d’un département pour la finance islamique s’est avérée difficile parce que la finance islamique se conçoit comme un tout, ce qui suppose toute une organisation pour éviter l’interférence entre la banque classique et celle islamique. Toutefois, M. Karm a proposé de concevoir la finance islamique non pas comme un système mais comme un produit.

«Se trouve dans les textes de la BCT la possibilité de présenter pour l’agrément un produit bancaire peu importe sa nature et la BCT se réserve 10 jours pour statuer sur ce produit pour que les banques puissent vendre. Donc nous partons d’une vision du système à une vision de produit qui pourrait d’ailleurs ne pas être satisfaisante pour les clients dans leur quête d’un système qui respecte la «Chariâa»”, précise M. Karm.

L’aspect de refinancement ?

En Tunisie, les banques islamiques ne peuvent pas se refinancer à la Banque centrale. Donc, elles n’ont pas des garanties d’équilibrage de leurs ressources à chaque instant. En effet, elles peuvent supporter un risque de liquidité très important. Y-a-t-il donc des solutions alternatives le temps que la BCT se prépare?

Selon M. Karm, le marché financier pourrait offrir des moyens à travers les «Sukuk» qu’on peut émettre facilement outre le fonds moyen des créances ainsi que le recours à la Banque Islamique de Développement (BID). Mais ceci pose un problème qu’il faut régler rapidement, il s’agit du problème de risque de change. «L’objectif est en fait d’offrir aux clients des produits et services à des coûts comparables et équivalents à ceux des produits classiques. On veut que le produit islamique soit offert à des conditions d’intermédiation équivalentes voire meilleures que celles des produits classiques. En optant pour un recours à des capitaux extérieurs, il faut qu’on règle la question du risque de change qui pourrait être assez élevé. A cet égard, je propose de prévoir un mécanisme national qui accepterait la prise en charge du risque de change pour équilibrer la trésorerie de la banque islamique», a suggéré M. Karm.