Tunisie : Violence contre les femmes… Pardonnez-les, ils sont faibles!

violences-femmes-1.jpgDeux réunions se sont tenues à Tunis, la première en date du 25 novembre, “Journée internationale de lutte contre la violence infligée aux femmes“, la deuxième, le 29 novembre, organisée par le ministère des Affaires de la femme, en vue de lutter, évidemment, contre ce phénomène social, mais surtout dans le but d’intégrer le respect des droits des femmes et le Code du Statut Personnel dans la nouvelle Constitution.

Parmi les formes de violences constatées, ou ayant fait l’objet de plaintes et de dénonciations, les intervenantes (juristes, psychologues, sociologues, femmes battues venues témoigner), citent la violence pure et simple (coups), la violence sexuelle, l’imposition d’un certain type vestimentaire tel que le voile, mais aussi le déni fait à la femme d’occuper certains postes de responsabilité. La nouveauté, d’après les intervenantes auxdites réunions, c’est que le phénomène s’est amplifié davantage après la révolution du 14 janvier.

Il faudrait se rappeler d’abord que l’apparition la plus ancienne du phénomène de la violence s’est manifestée avec l’animal. Dans un souci d’assurer sa survie dans la jungle, ce dernier s’est appuyé sur sa force physique pour se défendre et, surtout, pour tout simplement continuer à être. Notamment chez l’animal sauvage, la violence est une question de survie.

L’homme, car doté de la raison, donc capable d’assurer sa propre survie, n’a eu recours à la violence que dans un souci unique: se défendre en cas de besoin, de crise quelconque. Avec les temps modernes, la violence chez l’homme n’exprime plus un ‘‘souci de survie’’ ou ‘‘souci de défense’’ seulement, mais un souci de leadership. Etre Maître absolu, c’est assouvir pleinement ses désirs et ses envies, tout en étant un Seigneur servi à souhait et, surtout, craint et redouté. Toutes les guerres –ou presque– se sont exprimées par ce désir d’atteindre le plus haut degré d’hégémonie, de prééminence, de prédominance, de suprématie. Les nations comme les hommes sont obsédés par ce désir de suprématie.

Dans les sociétés arabo-musulmanes, et jusqu’à la veille de leurs indépendances, l’homme –car lui-même écrasé sous le joug de la colonisation– n’avait qu’un seul leadership possible: écraser sa femme. Ce leadership d’un ridicule écœurant n’était possible qu’à la faveur d’une circonstance douloureuse: l’absence de la femme dans la vie active des hommes. Etre, autrefois, femme au foyer donnait à l’homme tous les droits de seigneurie, dont celui, comme au temps de l’esclavage, de battre sa femme ou de la soumettre à ses désirs sexuels seulement quand il en éprouve, lui, le besoin.

Avec l’accès de la femme au monde du travail, l’homme –dans l’absolu– s’est senti carrément émasculé. Aujourd’hui encore, beaucoup de Tunisiens n’ont jamais pardonné à Bourguiba d’avoir émancipé la femme tunisienne. Car de cette émancipation, l’homme s’est senti amputé dans son orgueil d’un élément essentiel: son ascendant sur la femme. N’étant plus le seul à subvenir aux besoins de la famille, il a cessé d’être ce Maître absolu.

C’est très bizarre: aujourd’hui, le Tunisien moyen vous avoue qu’il est incapable, à lui seul, de faire vivre sa famille, qu’il ne peut pas se passer du salaire de sa femme, mais dans le même temps, il souffre d’être devenu un partenaire, sans plus. Ce constat est à lui seul devenu argument et origine de violence. Les islamistes, particulièrement dans notre pays, ont parfaitement cerné cette plaie chez l’homme; ils menacent, tantôt sans ambages, tantôt avec des mots… voilés, de faire revenir la femme à sa place de jadis, la maison, pour pouvoir remettre ses titres de R’joulya à l’homme qui, ainsi, redeviendra le Maître absolu qu’il était autrefois.

Or, il y a une impasse: la marche arrière est-elle vraiment possible aujourd’hui? A moins d’une guerre ouverte et stupide entre hommes et femmes, on ne voit pas comment fermer l’école, le lycée, la faculté, l’hôpital, l’Administration, l’usine, etc., au nez de la femme.

Pourquoi la révolution?

Pourquoi est-ce précisément après la révolution du 14 janvier que le phénomène de la violence contre la femme a refait surface avec plus d’acuité?… Pour une raison toute simple: c’est l’expression enragée d’un double échec. En un peu plus de cinquante ans, les machistes n’ont rien pu contre l’affranchissement et l’émancipation de la femme. Puis –et pire!– ils n’ont pas fait LEUR révolution. Après la révolution du 14 janvier, le pays est entré dans une zone de turbulences tous azimuts: grèves, revendications de toutes sortes, violences, anarchie, gabegie, etc. Profitant de cette situation chaotique, les ennemis jurés de la femme ont sauté sur l’occasion pour imposer un nouveau leadership perdu il y a un demi-siècle.

Pardonnez-les!

Partant, donc, du principe (naturel) que la violence physique est l’apanage de l’animal, et que la force de l’homme réside plutôt dans la raison dont il est doté, il faudrait aujourd’hui considérer tout homme violent (contre la femme) comme étant un malade mental qui nécessiterait des séances de psychiatrie, beaucoup mieux que tout autre châtiment. Il faudrait se dire que ces usagers de la force physique sont des sujets très faibles, qui n’ont que le poing et le couteau pour s’exprimer. Pardonnez-les, de grâce! Car tout autre moyen de dissuasion ne ferait qu’envenimer les choses.