Tunisie : Cinq hommes pour la vérité et la réconciliation

jutice-0511.jpgLundi 14 novembre 2011, Kamel Jendoubi a, avec la conférence de presse d’annonce du résultat final des élections du 23 octobre, achevé sa mission à la tête de l’Instance Supérieure Indépendante pour les Elections (ISIE). Jeudi 10 novembre, c’était au tour d’Abdelfattah Amor de marquer, avec son rapport final, la fin de la mission de la Commission d’Enquête sur la corruption et les Malversations. A la veille des élections de l’Assemblée nationale constituante, ce fut Iyadh Ben Achour de mettre un épilogue à sa lourde tâche de président de la Haute Instance pour la Réalisation des Objectifs de la révolution, de la Réforme politique et de la Transition démocratique. Dans quelques jours, ce sera le Premier ministre de transition, Béji Caïd Essebsi qui devra -après huit mois de dur labeur, et sauf surprise de dernière minute le maintenant en service- rendre son tablier. Enfin, bientôt ce sera à Taoufik Bouderbala, le président de la Commission d’Investigation sur les Dépassements et les Violations commisses pendant les manifestations ayant précédé et suivi la chute de Ben Ali, de tirer sa référence après avoir rendu publiques les conclusions de cette instance.

Pour ces cinq personnalités, ce sera alors le repos –mérité- du guerrier et le retour, selon les cas, à une retraite paisible ou à l’activité de tous les jours. Mais ces cinq figures, qui ont rendu de grands services à la Tunisie, peuvent encore lui être utiles pendant la période à venir.

Le 23 octobre 2011, la Tunisie a élu ses représentants à l’Assemblée nationale constituante, franchissant ainsi un premier pas sur la voie de la normalisation constitutionnelle et, partant, politique. C’est là le fruit du travail mené depuis neuf mois par le gouvernement de transition dirigé par Béji Caïd Essebsi dont l’action a été saluée par une large partie de la classe politique et des Tunisiens. Mais s’il a permis à la Tunisie de se –relativement- redresser, notamment dans les domaines économique et sécuritaire, ce gouvernement n’a pas pu –faute de temps et de cadre adéquat- ouvrir le dossier de la vérité et de la réconciliation –Al Mousaraha Wal Moussalah- et qu’il faudra tôt ou tard mettre pour de bon sur la table pour que la Tunisie puisse panser ses plaies et repartir du bon pied.

Certes, la justice a déjà commencé à juger plusieurs dizaines parmi les responsables de l’ancien régime ainsi que des membres de l’entourage de Zine El Abidine Ben Ali et de Leila Trabelsi, dans la plupart des cas sur la base de dossiers constitués par la Commission d’Investigation sur la Corruption et les Malversations (CICM), présidée par Abdelfattah Amor, et qui a clos, jeudi 10 novembre 2011, ses neufs mois d’investigations et d’auditions par un volumineux rapports dont les révélations a laissé tous ceux qui l’ont lu groggy par ses révélations sur l’ampleur de la corruption sous l’ancien régime.

Mais si méritoire, nécessaire et utile qu’il soit, le travail de la justice et de la CICM demeure insuffisant. Car ce qui est demandé ce n’est pas seulement d’établir la responsabilité civile ou pénale dans telle ou telle affaire, mais également morale. Des voix s’élèvent depuis des mois, qui pour réclamer la justice –pour les martyrs de la révolution, notamment- qui pour appeler à la réconciliation, mais sans que l’on sache jusqu’ici comment procéder.

Pour sortir de l’impasse, la Tunisie n’a pas besoin de réinventer la roue, mais de s’inspirer de l’expérience des autres. En Afrique du Sud et, par la suite, au Maroc, des instances baptisées «commission vérité et réconciliation» dans le premier cas et «Instance Equité et Réconciliation», dans le second, à cheval entre le véritable tribunal et la simple catharsis, ont offert aux bourreaux et à leurs victimes un cadre pour tout déballer avant de se réconcilier.

La mise en place d’une telle instance pourrait être très utile à la Tunisie en cette phase très particulière et difficile de son histoire en l’aidant à extirper les démons du passé en conviant tous ceux qui ont assumé une part de responsabilité dans les dérives du régime Ben Ali à venir raconter leurs expériences, avouer leurs erreurs –ou crime- et demander pardon pour que les Tunisiens puissent tourner la page d’un passé douloureux et retrousser les manches pour s’atteler à la construction d’un avenir meilleur. Et c’est là justement où nos cinq «mousquetaires» peuvent encore être utiles à leur pays.

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