Tunisie : «Les problèmes qu’on a vécus en Algérie ont été totalement contre la pérennité de KIMIAL», dixit Ali Mhiri, PDG d’ALKIMIA


mhiri-31102011-art.jpgFaisant face depuis sa création en 2006 à des difficultés, la société
KIMIAL,
filiale algérienne du groupe tunisien ALKIMIA, n’a pas réussi à s’en sortir dans
un environnement instable et turbulent. Cette situation a entraîné un problème
de trésorerie amenant à l’échelonnement des dettes. Ali Mhiri, PDG de la société
ALKIMA, revient sur ce qui s’est passé et précise les raisons qui ont conduit à
la dissolution de la filiale algérienne.

WMC: Après la décision prise par ALKIMIA de dissoudre sa filiale algérienne KIMIAL, pensez-vous que cet investissement a été mal étudié?

Ali Mhiri: D’abord, je tiens à préciser que la société ALKIMIA a constaté sur le
plan stratégique que son intérêt était de se développer en Algérie parce qu’en
2005/2006 le potentiel était extrêmement important en matière de STPP. Il y
avait un grand producteur, HENKEL, ainsi que d’autres producteurs de détergents
qui assuraient un marché de 45.000 à 50.000 tonnes de STPP avec une croissance
similaire à la nôtre en Tunisie, voire plus. Donc, on pensait que le volume de
production de 60.000 tonnes de STPP en Algérie devrait être réalisé rapidement.
Malheureusement, les évènements qu’on a vécus après la prise de participation en
2006 ont été totalement contre le projet. C’est ce qu’il faut dire.

Par ailleurs, ALKIMIA a décidé de participer au projet de partenariat proposé à
l’époque par l’Etat algérien pour devenir partenaire à hauteur de 55% au capital
de KIMIAL. Il est certain que si les raisons n’avaient pas été encourageantes,
personne n’aurait pris le risque d’y aller. Donc ce n’est pas parce que
maintenant les évènements ont tourné différemment qu’il faut dire que nous
étions contre. Autrement dit, il faut maintenant analyser et examiner pourquoi
ça n’a pas marché. C’est vrai que je n’étais pas le président de la société
quand ALKIMIA a pris la décision de s’implanter en Algérie, mais je ne dirais à
aucun moment qu’on n’aurait pas dû y aller parce qu’on était convaincu à
l’époque qu’il fallait y aller.

Pourquoi dites-vous que les évènements ont été contre le projet?

En 2006, il y avait en Algérie une protection douanière sur les intrants pour
les détergents, or dans notre business plan, il était indiqué que cette
règlementation donnerait à la société la possibilité de se développer même si
cette protection baisserait graduellement. Malheureusement, quelques semaines
après la signature de l’accord de partenariat, les droits de douane ont été
complètement levés. Alors, on s’est retrouvé avec une usine à l’arrêt avec 150
employés sur les bras, parce qu’avec le démantèlement douanier, la société ne
pouvait pas tenir la compétition avec notamment une grande concurrence
européenne.

Par ailleurs, le temps de commencer nos études et lancer l’investissement, on
avait, d’une part, une charge de personnel très élevée, et, d’autre part, on se
trouvait obligé de construire une nouvelle usine composée de deux sections avec
leurs auxiliaires implantées dans deux nouveaux bâtiments industriels
nécessitant des infrastructures de standard non conventionnel, et ce suite à la
nouvelle règlementation algérienne relative aux nouvelles normes parasismiques
instaurées à la suite du séisme de Boumerdès en 2003.

La reconstruction de l’usine vous a fait perdre combien de temps?

Malheureusement, il y a eu un grand dérapage et on a eu pratiquement 3 ans de
retard. En plus de son incidence négative sur le délai de réalisation, cette
reconfiguration s’est traduite aussi par un lourd impact sur le budget initial
du projet et sur le choix technique de certains équipements.

En outre, au bout de trois ans, le producteur de détergents HENKEL, qui
attendait le démarrage de l’usine, a changé de formule en trouvant d’autres
substituts au STPP, et il ne voulait plus, après le démarrage de notre usine,
revenir à l’utilisation du STPP malgré l’existence d’une norme en Algérie qui
prévoit l’utilisation d’au moins 20% de STPP dans les produits détergents. On
était donc incapable de convaincre HENKEL pour le retour vers l’utilisation de
STPP.

N’avez-vous pas appelé le gouvernement algérien à intervenir?

Nous avons essayé à maintes reprises de rappeler le gouvernement algérien que
HENKEL qui, au début, a totalement soutenu et encouragé le projet, a supprimé le
STPP de ses formules détergents et les a remplacées par d’autres produits moins
chers et moins efficaces. Mais malheureusement nous n’avions pas les moyens de
convaincre ni HENKEL ni le gouvernement algérien.

Donc, notre usine qui, au lieu de produire 60.000 tonnes, faisait entre 5.000 à
6.000 tonnes avec des coûts de production extrêmement élevés. On a commencé à
perdre de l’argent jusqu’à consommer pratiquement les trois quarts du capital.

A combien estimez-vous la perte totale engendrée par KIMIAL ?

KIMIAL a cumulé en faite des pertes d’environ 9 millions de dinars. Au
préalable, on ne pouvait plus continuer sans résoudre d’abord ses problèmes. De
même, si nous n’avons pas pu assurer le marché local algérien, comment
pouvons-nous exporter notre produit si nous devons acheter l’acide phosphorique,
le carbonate…? Donc on ne pouvait en aucun cas être compétitif.

N’avez-vous pas pensé à vendre votre participation à un autre investisseur?

Au départ, on voulait vendre notre participation, mais personne n’était
intéressé vu les difficultés que connaissait KIMIAL. D’ailleurs, si des
professionnels comme ALKIMIA n’ont pas été capables de faire tourner l’usine
rentablement, qui pourrait le faire? Pour le moment, vu que la loi algérienne
impose la liquidation de la société puisqu’on a consommé les trois quarts du
capital, on a arrêté complètement l’exploitation et on a nommé un administrateur
pour liquider la société.

Parlons un peu d’ALKIMIA. La société a-t-elle perdu des clients à cause des
évènements qu’a connus le bassin minier?

Sans doute. ALKIMIA a lourdement souffert en 2011 de l’absence d’acide
phosphorique parce que les problèmes qu’a connus Gabès et le bassin minier ont
fait que l’approvisionnement a été arrêté. A cet effet, ALIKIMIA ne fera pas
plus que 60% de sa capacité de production cette année. Avec ce pourcentage, le
groupe a perdu beaucoup de ses clients. Au départ, nos clients comprenaient la
situation mais quand leurs usines ont été menacées par l’arrêt pour manque de
produits, les choses ont totalement changé.

Maintenant, il faut continuer à travailler pour essayer de récupérer nos
clients.

Quelles sont les perspectives d’ALKIMIA pour 2012?

En 2012, personnellement je doute qu’on puisse récupérer la pleine capacité; je
dirais que probablement l’année prochaine sera meilleure que 2011, les choses
vont certainement se stabiliser après les élections sur les plans social,
politique et économique.

Je pense qu’il faut attendre le résultat des élections de la Constituante pour
mettre en œuvre les grands axes de notre stratégie.

Entre temps, nous essayerons de reprendre contact avec nos clients pour négocier
les contrats de 2012. D’ailleurs, demain je partirais en voyage pour rencontrer
4 clients (Cet entretien a été réalisé mercredi 19 octobre 2011).