Tunisie – Equité et développement régional : «Pour une répartition équitable des ressources en fonction des efforts consentis»


developpement-19092011-art.jpg«Tant que je serai à mon poste et jusqu’au 23 octobre minuit, je servirai mon
pays», vient de déclarer, Mehdi Houas, ministre du Commerce et du
Tourisme sur
une chaîne radiophonique. Mehdi Houas, comme beaucoup de ses collègues à la tête
de départements ministériels, en a assez de s’entendre tout le temps rappeler
qu’ils ne sont que «transitoires».

Parce que les hommes passent et ce sont les idées, actions et programmes qui
restent, peu importe qui les pense ou les applique lorsqu’elles sont utiles pour
le pays, le plus important est d’en profiter.

«La Tunisie a besoin d’institutions, qu’elles soient politiques, sécuritaires,
judiciaires ou médiatiques, sans oublier le poids important de la société civile
dans toutes les dynamiques et à tous les niveaux afin qu’elle puisse traverser
tous les obstacles», a tenu à préciser Mehdi Houas, lors d’une rencontre avec
WMC.

Il y a beaucoup à faire en Tunisie et c’est ce qui explique l’implication de
tous les membres du gouvernement «accusés» presque d’être «transitoires» dans la
proposition d’idées et de plans d’actions, en attendant le passage au durable.

Quelles sont les causes de la révolution tunisienne? Bien sûr l’emploi, mais
également l’égalité, l’équité et la justice dans un contexte gangrené par la
corruption et les déséquilibres entre classes sociales ou régionales. «Le pays
attend des réponses politiques, économiques et sociales avec la conviction
profonde que l’éthique doit régner partout».

La Tunisie et les Tunisiens sont aujourd’hui libres mais nous devons être
conscients que même les libertés ont des frontières qui doivent être respectées
pour garantir leur pérennité et ne pas devenir une menace sur les équilibres
socioéconomiques du pays. «La Tunisie a aujourd’hui adopté un ensemble de
conventions qui la mettent à l’échelle internationale au même rang que des pays
démocratiques comme la Suisse, l’Allemagne ou l’Angleterre. Nous avons même
abrogé la peine de mort sans que personne ne se rende compte. Autant de
conventions signées et défendant les droits de l’homme et la démocratie, quoi de
plus important pour le développement socioculturel et économique de la Tunisie?
J’ai eu d’ailleurs l’occasion de discuter avec Catherine Ashton,
haute-représentante de l’Union européenne pour les Affaires étrangères, et je
lui ai dit que la moindre des choses est de soutenir la Tunisie autant que la
Grèce qui va recevoir 100 milliards d’€, le Portugal 75 milliards d’€ et
l’Irlande 25 milliards d’€ et pas la Tunisie».

A la réponse de Madame Ashton rappelant que ces pays sont européens, Mehdi Houas
a rétorqué que les frontières ne sont plus physiques aujourd’hui et que c’est
plutôt les valeurs de démocratie et de liberté et de droits de l’homme qui
rassemblent les pays dans une seule sphère et qu’à ce titre la Tunisie est
éligible. Il ne s’agit donc pas d’endetter le pays mais plutôt de profiter de la
solidarité internationale.

Personne n’est mort de faim en Tunisie

Le gouvernement a une lourde responsabilité, assure Mehdi Houas: mener le pays à
bon port en réussissant les prochaines élections et en engageant de sérieuses
réformes économiques qui pourraient servir ensuite pour le gouvernement élu.

«Il faut trouver un modèle économique qui résorbe les stocks de chômeurs et
puisse faire face aux nouveaux arrivants sur le marché du travail. C’est
possible. Et il y va de notre capacité à trouver les bonnes réponses en posant
les bonnes questions».

La communauté d’affaires tunisienne était frileuse et ne voulait pas prendre des
risques. Aujourd’hui, elle n’a plus de raison de le rester. Il faut avoir une
mentalité d’entrepreneur et non de rentier. «Les Tunisiens ont un potentiel
extraordinaire, et lorsque je leur pose la question “êtes-vous capables de
multiplier votre chiffre d’affaires sur 4 ans“, ils me disent, deux ans
suffisent, d’où l’importance des PME, qui sont inventives et dynamique».

Pour ce qui est des investisseurs étrangers, ils veulent presque tous
rentabiliser sur le court terme, estime M. Houas, ce qui n’implique pas le
meilleur modèle économique, les grandes entreprises ne venaient pas en Tunisie
parce qu’elles refusaient d’investir sur 10 ans dans un pays dirigé par une
mafia. «Aujourd’hui c’est possible, grâce aux règles de bonne gouvernance qui
seront instaurées en Tunisie sans oublier la position géostratégique de la
Tunisie aux portes de l’Afrique. Les investisseurs occidentaux auront besoin des
compétences tunisiennes dans leurs projets sur l’Afrique et ouvrir des antennes
en Tunisie».

Les 15 premières fortunes tunisiennes sont complètement effacées à
l’international parce que trop dispersées. «Si nous n’avons-nous pas des
champions régionaux ou internationaux, c’est parce que nous avons des groupes
d’entreprises opérant dans 15 activités. Il vaut mieux être 15 champions
nationaux, régionaux et internationaux dans une seule activité que d’être des
tous petits chez soi».

D’autre part, il faut développer l’entrepreneuriat, explique le ministre du
Commerce. Etre un entrepreneur, c’est avoir une idée, des moyens humains, de
l’argent et de la volonté. «En Tunisie, vous devez être doté de toutes ces
qualités pour le devenir; dans les pays développés, il suffit d’en avoir une
pour pouvoir créer son entreprise. Nous devons donc multiplier par 4 le nombre
de créations d’entreprises et grâce à la création de la Caisse de Dépôt et de la
Consignation et du Fonds générationnel, il sera possible de financer les
porteurs de projets. Un entrepreneur travaille avec l’argent des autres et c’est
ce qui est important. Parce que si j’ai une idée et que je réussit à convaincre
un investisseur, je ne serais plus libre, il sera là pour me cautionner et
surveiller son investissement, c’est un garde-fous par excellence. S’il s’agit
de mon argent, je ne m’investirai pas en entrepreneur dans mon propre projet
mais en tant qu’investisseur, c’est différent».

Ceci dit, il faut que les entrepreneurs payent leurs dettes, leurs prêts et
leurs traites. En introduisant une nouvelle dynamique basée sur des rapports de
confiance et la libre initiative, la Tunisie peut doubler son PIB, estime Mehdi
Houas qui préconise également une réponse sociale aux maux des déséquilibres
sociaux et régionaux. «Pour lutter contre les inégalités sociales, il faut qu’il
y ait une répartition équitable des ressources en fonction des efforts
consentis. Les richesses existent en Tunisie, elles sont suffisantes pour
nourrir tout le monde, d’ailleurs, personne n’est mort de faim en Tunisie. Il
s’agit aujourd’hui des commodités de base, des logistiques nécessaires et des
infrastructures qui serviraient à désenclaver les régions».

Ce sont les compétences nationales, l’esprit entrepreneurial du Tunisien et sa
grande capacité d’adaptation et les ressources du pays qui font que «je suis
très optimiste quant à l’avenir du pays», termine Mehdi Houas.

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