La politique de développement de la Tunisie post-14 janvier a hérité d’une mal-gouvernance régionale et locale

Par : Tallel

La mal-gouvernance au double niveau régional et local constitue une autre caractéristique de la politique de développement régional héritée par la Tunisie post 14 Janvier 2011


Un centralisme inquisiteur

La mal- gouvernance affecte la vie locale dans les villes comme dans les campagnes des régions tunisiennes. Cette mal-gouvernance n’est pas due seulement à la confusion marquant la délimitation des champs de compétences des divers départements ministériels concernés. Elle englobe aussi le réseau d’Offices et de Commissariats généraux chargés de conduire le processus du développement régional, le réseau des Conseils de développement régionaux, et celui des municipalités.

Le gouverneur, proconsul de la région

Le gouverneur de région est investi, sans rival, de l’autorité du pouvoir central- administratif, économique, financier, politique et sécuritaire à la fois. Erigé en proconsul, il est le maître absolu de la vie locale, symbolise, plus que le ministre, toute la puissance de l’Etat- parti, sur le terrain, en tout cas. Représentant à la fois le président de la République, c’est-à-dire l’Etat dans son entièreté, le ministère de l’Intérieur et du Développement local, un des quatre ministères de souveraineté de la République et tuteur de facto de la plus haute instance politique régionale, le Comité de coordination du RCD, le gouverneur connaît de tout, supervise tout, et centralise tout.

En fait, le gouverneur de région est encadré par trois choses: les choix arrêtés par le Président de la République en personne, au titre du Fonds 26-26; les décisions prises par son ministère de tutelle, le ministère de l’intérieur, au titre du développement local; et les dotations budgétaires en matière de développement régional, inscrites dans les lois de finances annuelles. Son action consistera donc à mobiliser tout le pouvoir dont il est nanti pour optimiser, au mieux, l’utilisation des ressources affectées à la région dont il a la charge, dans le cadre, d’abord et surtout, des objectifs économiques, politiques et sécuritaires qui lui sont assignés directement par le Président de la République.

Le Conseil de développement régional

Quant au Conseil de développement régional, censé porter la voix de la société civile locale dans la gestion des affaires de la cité, il est, en fait, réduit à jouer un rôle de figurant, face à un réseau d’Offices et de Commissariats chargés de conduire le processus du développement régional, au nom des divers ministères, qui en sont les parties prenantes.

Le Conseil municipal

Les Conseils municipaux sont autant mal lotis que les Conseils régionaux. Bien qu’ils symbolisent beaucoup plus qu’aucune autre institution régionale ou locale la proximité citoyenne, les Conseils municipaux sont démunis de moyens et de pouvoirs, notamment dans les zones pauvres

La gouvernance régionale reflète ainsi tous les effets pervers d’un centralisme inquisiteur, envahissant, et hostile à toute forme de développement participatif et démocratique.

Un vide de pouvoir régional post-révolutionnaire

Il faudrait dire également que la révolution du 14 Janvier dernier a ajouté une autre note à ce tableau. Le gouvernement de transition a, en effet, brutalement mis fin aux mandats des Conseils de région et remplacé les maires et l’ensemble des élus communaux par des ‘délégations’ intérimaires, désignées autoritairement par le ministère de l’intérieur, quitte à créer, au niveau des régions et des communes, un vide de pouvoir sans précédent dans les annales de la République. Régions et communes naviguent désormais à vue, et sont exposées en permanence à des actes d’incivilité variés, voire à des formes de criminalité graves, avec, au bout, une impunité quasi assurée. Ce terrible vide de pouvoir pose au processus de réforme institutionnelle de la gouvernance du développement régional des défis nouveaux, particulièrement sévères.

Ce gap institutionnel, rappelait récemment le ministre du développement régional, coûte au pays pas moins de 2 points de croissance! Un ‘manque à croître’ aussi considérable est tout simplement dramatique.

Va suivre la “Troisième Partie : Pour une nouvelle économie politique (NEP) régionale tunisienne“