Tunisie – Marketing politique et parution de nouveaux titres : Les imprimeurs travailleraient-ils pour le roi de Prusse?

Par : Autres


partie-politique-28072011-art.gifLe marketing politique, ça vous connaît? Non, sinon un chouïa. Aller sur un
moteur de recherche, tapez l’expression et vous aurez 26.200.000 résultats. Mais
vous ne trouverez aucun qui eût un lien avec la Tunisie. Bien portant. Car en
Tunisie nous n’avions pas eu besoin par le passé de recourir au marketing
politique pour promouvoir et communiquer sur un parti politique. Ah mais si bien
sûr, celui du
RCD. Après tout, cela peut compter. Passons.

Aujourd’hui, une véritable problématique fait jour: la communication des partis
politiques. A qui profite-t-elle? Les agences de Com? Les imprimeurs?

Voici une pochade: le pays est en mal de président, il lui en faut un. Un qui
soit «démocrate» et qui ne vole pas l’argent du peuple. Pour cela, il faut des
candidats pour en choisir un. Et c’est toute une déferlante de candidats à la
tête de partis politiques qui s’est jouée depuis que le “deuil“ de l’ancien
président a été consommé. Ceux-là cabotinant, passent par la case indispensable
de la communication. Il faut faire parler de soi –en bien ou en mal d’ailleurs-
il faut se faire aimer par surcroît. Ainsi, les agences de Com, quelque part,
poreuses par la frilosité des annonceurs -circonstances post-révolutionnaires
obligent- se ruent vers cette nouvelle manne et embarquent avec elles les
imprimeurs.

Lumière sur ce nouveau filon.

Depuis quelques semaines, en se baladant dans les rues de Tunis ou dans les
villes du pays, nous croisons des panneaux publicitaires habillés par des
affiches promouvant quelques partis politiques, les plus notoires, dirons-nous.
Des tracts, des dépliants et des petites affiches placardées sur les murs nous
invitent à faire connaissance avec les programmes de ces partis…C’est nouveau,
et cela fait fonctionner toute une machine derrière. Une machine dont les
boulons sont vissés par différents acteurs, notamment les imprimeurs. Faisons un
arrêt sur ces derniers. Profitent-ils à bon escient de cette nouvelle manne
sortie presque de nulle part? Et quelle part du gâteau ont-ils réellement?

Oussama Laouini, directeur commercial chez Proprint, nous livre son opinion sur
la question: «nous travaillons en ce moment pour le compte du
parti PDP avec
l’intermédiaire de l’agence de communication “Cérès“. Nous imprimons surtout les
invitations et les dépliants du parti pour des opérations de communication
ponctuelles, tels que les meetings. Cette nouvelle activité ne représente que de
2 à 5% de notre chiffre d’affaires mensuel et ne compense donc pas le manque à
gagner que nous accusons depuis le 14 janvier». Fichtre Révolution qui fait le
mauvais temps pour les imprimeurs. Encore un dommage collatéral, difficile à
rabibocher, en tout cas sur le court terme. Et à M. Laouini d’ajouter: «les
marques commerciales se sont désistées de communiquer, et du coup notre activité
a baissé, engendrant ainsi une chute de l’ordre de 40% de notre chiffre
d’affaires. Sachant de plus que les agences des partis politiques ne traitent
pas qu’avec un seul imprimeur –ils font appel à quatre ou cinq opérateurs- nous
n’avons pas l’exclusivité et donc pas l’intégralité du marché, et ce en raison
de l’exigence des délais et de la qualité qui ne peuvent pas être compatibles,
quelques fois, avec la capacité de nos machines. L’activité avec notre
imprimerie ne représente que 10% de la totalité du besoin du parti en termes
d’impression des supports de communication».

Les apparences sont-elles ainsi trompeuses? Paraît-il que oui. Néanmoins, le
secteur des imprimeurs, bien que ravagé par la nouvelle donne du pays, peut
espérer de beaux jours devant lui à compter du mois de septembre. Mois où les
partis politiques auront droit à trois semaines de communication graisseuse.
Bonjour le matraquage!

Chokri Jmal, responsable commercial chez Simpact, nous confie: «depuis trois
mois, nous recevons des commandes d’impression d’affiches et de dépliants pour
le compte de quatre partis politiques dont le PDP et Etakattol. Mais ce n’est
pas pour autant que les affaires marchent pour le mieux. Le chiffre d’affaires,
de 5.000 dinars, que nous faisons pour ce genre d’opérations qui sont
ponctuelles, est minime par rapport à d’autres et par rapport au potentiel de ce
nouveau marché qui peine encore à décoller. Nous pensons qu’à partir du mois de
septembre, il va y avoir une montée en régime pour les partis politiques. Aussi,
et vu que notre imprimerie ne pratique pas les prix les moins chers sur le
marché, et que l’impression d’une affiche pour un parti ne nécessite pas
forcément une qualité de haut niveau, les agences font plutôt appel à des
imprimeurs qui ont les tarifs les moins chers de la place».

Il est clair que, pour les imprimeurs, c’est encore loin d’être la période des
cueillettes. Entre les agences de communication mandatées par les partis
politiques cherchant encore la meilleure orientation sur une boussole dont ils
ne savent faire encore bon usage, et les propriétaires de nouveaux titres
(magazines et journaux), soucieux d’un marché timide et à visibilité confuse, la
situation est à tendance sibylline. «Nous ne pouvons pas affirmer que l’activité
de l’impression est en plein essor surtout que la concurrence a pris plus de
place sur le marché depuis que certains titres de magazines et journaux ne
paraissent plus, ceux qui les imprimaient se sont, en effet, rabattus sur de
nouvelles niches, notamment celle de l’impression des affiches et des dépliants
publicitaires. Avant le 14 janvier, nous avions un client de gros calibre, le
groupe Mabrouk, seulement depuis, la publicité a remarquablement régressé et
notre activité en a pris un coup. Malheureusement, nous n’avons pas de
visibilité par rapport à cette nouvelle branche d’impression, car les agences de
Com ne sont pas bien organisées et font appel à nous à la dernière minute et
sont surtout contraintes par un budget souvent limité», précise Oussama Laouini.

Cette précision est confortée par Chokri Jmal dont la boîte opère notamment dans
l’impression de mgazines, jadis à fort potentiel dont l’intérêt et l’attention
ont désormais pris de nouvelles tournures: «par ailleurs, nous imprimons deux
nouveaux magazines dont un est paru depuis trois mois sur le marché (ijeunesse)
et l’autre sera dans les bacs la semaine prochaine. Toutefois, le tirage n’est
que de 2.000 exemplaires, et c’est pas terrible pour faire tourner nos machines,
c’est à partir de 10.000 exemplaires que ça commence à compter. Cette
configuration se justifie surtout par le fait que les propriétaires de ces
titres n’ont pas de prévisions précises quant au nombre d’annonceurs potentiels
à travers lesquels ils peuvent financer leur tirage. Quant aux magazines que
nous imprimions d’avant le 14 janvier, comme Idées déco, Maisons de Tunisie, et
Femmes de Tunisie, le tirage a diminué car les lecteurs ne semblent plus
s’intéresser à ce genre de sujet dans le contexte actuel. Pour nous, les acteurs
de la communication et de l’impression sont dans le flou total, c’est une
nouvelle expérience et il n’existe pas de visibilité ni sur le court terme ni
sur le long terme».

Il faudra donc refaire un tour du côté des imprimeurs au mois de septembre.
Histoire de scruter l’allure de l’activité des imprimeurs qui pourront peut-être
prendre alors leur revanche sous la férule des partis politiques. Au vu de leur
nombre qui nous éberlue, ce sera loin de travailler pour le roi de Prusse.