Tunisie : Une stratégie pour développer les régions du sud

developpement_durable-1.jpgLe charme des révolutions réside, le plus souvent, dans le fait qu’elles sont innovantes et qu’elles libèrent toutes sortes d’initiatives, particulièrement celles qui font rêver par leur générosité et par leur ampleur.

Dans cette perspective, s’inscrit un projet de développement durable du sud tunisien proposé à l’initiative de l’organisation non gouvernementale (ONG), l’Association Errakha. .

Dans un entretien accordé à Webmanagercenter, son président, un militant de développement, Dr. Zitouni Ezdin (neurologue), relève que le projet concerne l’ensemble des gouvernorats du sud (Gafsa, Tozeur, Gabès, Kébili, Médenine, Tataouine).

Dans une première étape, le projet commence par une identification des difficultés structurelles communes auxquelles sont confrontées ces régions: la rareté de l’eau, le chômage, la dégradation de l’environnement et son corollaire son impact pervers sur la santé, la déstructuration du système de production oasien et ses incidences sur l’autosuffisance alimentaire, l’absence de moyens de transport appropriés, et enfin l’enseignement et son inadéquation avec les besoins spécifiques du sud du pays.

Concernant le volet santé, Dr Zitouni rappelle la prolifération au sud du pays des maladies cancérigènes générées par le rejet de matières très polluantes et radioactives par les usines de transformation de phosphate (phosphogypse et métaux lourds, tels que le plomb et le mercure…).

S’agissant de la déstructuration du paysage oasien, il a tenu à signaler que Gafsa, avant d’avoir une vocation minière, était au départ une oasis prospère qui a disparu, petit à petit, par l’effet de la rareté de l’eau. Il y voit ce qu’il appelle «un marqueur biologique» qui annonce la disparition d’autres espèces dont l’espèce humaine.

Dans un contexte plus général, il a mis l’accent sur les répercussions socio-économiques négatives de la disparition de centaines de variétés de dattiers en raison de l’option délibérée des autorités agricoles d’antan pour le dattier producteur de la Deglat Nour, réputée pour sa haute valeur marchande et sa grande consommation d’eau.

A propos d’eau, il s‘est longuement attardé sur l’exploitation abusive de la nappe aquifère par l’industrie et le tourisme. Ainsi, dans une région où la pluviométrie ne dépasse guère 100 mm par an, la Compagnie de phosphate de Gafsa et la Société italo-tunisienne d’exploitation pétrolière (SITEP) utilisent annuellement et à elles seules l’équivalent de 1.400 millions de mètres cubes d’eau (le tiers des ressources mobilisables en Tunisie) pour laver, entre autres, le phosphate, tandis que le tourisme consomme 700 litres par lit et par nuitée (chiffres de la FAO). Les 700 millions de mètres cubes pompés par la CPG équivalent à eux seuls 100 Km2 d’oliveraies.

Pour augmenter les disponibilités en eau dans le sud du pays, le projet suggère l’utilisation de l’énergie solaire dans le dessalement de l’eau de mer et l’exploitation des sources d’eau douce sous-marines (détectables par satellite).

Propositions pour un développement durable

Dans une seconde étape, le projet balise les pistes qui peuvent assurer, au sud de la Tunisie, développement pérenne. A cette fin, il relève l’enjeu de valoriser les éléments naturels qui sont disponibles dans toutes ces régions, en l’occurrence: l’eau de mer, les oasis, l’énergie solaire et le Sahara. Selon lui, une combinaison de tant de ressources naturelles n’existe nulle part. Il suffit de valoriser l’ensemble de ces éléments et de les utiliser à grande échelle.

Dans une troisième étape, le projet explore des créneaux propres à garantir aux communautés de cette région, développement économiquement rentable, socialement équitable et écologiquement acceptable.

Au plan économique, Dr Zitouni insiste sur le développement de la pisciculture qui utiliserait une eau (saumâtre ou non) qui pourrait être réutilisée ensuite dans les laveries de phosphate, l’éco-tourisme (visite d’anciennes mines, circuits à pied ou motorisés au Sahara) et l’agro-tourisme, le recours à l’énergie solaire pour alimenter les installations touristiques et hôtelières en électricité, l’élevage intensif des camélidés, la réhabilitation, à des fins d’autosuffisance alimentaire, des variétés de dattiers disparues et les cultures à trois niveaux dans les oasis, la promotion de l’oasis en entreprise, l’extension des superficies d’arboriculture fruitière (amanderaies, oliveraies, pommeraies, figuiers de barbarie, grenadiers), accroissement des cultures maraîchères et géothermiques, et autres activités (apiculture, artisanat, culture de champignons…).

En aval, Dr Zitouni propose la promotion d’une industrie agroalimentaire qui transformerait le lait des camélidés en produits dérivés (fromage …), les pépins-grains de figue de barbarie en produits cosmétiques…

En sa qualité de médecin, Dr Zitouni ne cesse de plaider pour la formation du plan grand nombre possible de bio-ingénieurs et pour l’utilisation intensive de la biotechnologie dans le développement de pépinières qui seraient spécialisées dans la production, l’exportation et la multiplication in vitro de toutes sortes de plants (dattiers ornementaux, dattiers à forte valeur ajoutée, plantes à haut rendement …).

Autres propositions du Dr Zitouni: le développement d’une industrie de fabrication de vaccins et la création d’une banque de sang du cordon ombilical, sang utilisé dans la fabrication de souches, sortes de cellules immunitaires pour le traitement de leucémie. Actuellement, ce cordon, disponible dans tous les centres de gynécologie, est inexploité. La cellule-souche, voire l’unité coûterait selon Dr Zitouni 24.000 euros (50.000 dinars).

Au niveau sanitaire, Dr Zitouni propose des synergies dynamiques entre les centres hospitalo-universitaires de la région aux fins d’assurer une formation continue de qualité au corps médical et paramédical, de garantir une couverture de soins de proximité avec la qualité et l’efficience requises, et de développer la recherche clinique, notamment en ce qui concerne l’impact de rejets nocifs tels que le phosphogypse sur la santé des gens.

Le transport n’est pas occulté. Le projet se prononce, sans ambages, pour le transport ferroviaire au niveau interurbain, un TGV devant relier Tunis aux grandes villes du sud et des métros régionaux à l’instar de celui qui pourrait relier les villes du bassin minier (Redeyef, Oumlarayès, Metlaoui, Hezoua …).

Pour chaque composante de ce développement durable, Dr Zitouni propose un partenariat avec des partenaires étrangers leaders dans leur domaine.